Quand les profs craquent
Une enquête française à paraître dans quelques jours révèle la face cachée du quotidien des enseignants. Usés, déprimés, isolés, ils sont 17 % à être touchés par le "burn-out", ou littéralement le "pétage de plombs".
Lyse Bonnafous était professeur de mathématiques depuis 10 ans dans un lycée de 3000 élèves à Béziers (Hérault). Elle est décédée après s'être immolée par le feu. Face à ce geste désespéré, beaucoup ont considéré ce drame comme « révélateur du malaise enseignant ».
Des professeurs épuisés, stressés, isolés, déprimés... C'est pour mettre à jour ce constat que deux connaisseurs du monde enseignant – Georges Fotinos, ancien inspecteur général et José-Mario Horenstein, médecin psychiatre à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) – s'apprêtent à publier leur rapport.
17% touchés par le burn-out
A travers une enquête réalisée auprès de 2100 professeurs de collèges et lycées, ils établissent qu'ils sont 17% à être touchés par le burn-out, terme anglo-saxon désignant l'épuisement physique mental et émotionnel. Ils sont 11% dans les autres professions.
Plus inquiétant encore, 30% des personnes interrogées disent avoir songé souvent à quitter le métier.
Ce sont les sentiments d' « impuissance », d' « usure » et d' « abandon » qui reviennent le plus souvent face à des classes de plus en plus surchargées, des difficultés face au rythme des réformes, et une institution qu'ils disent sourde à leurs revendications.
La pression des parents
Madame Girard est à la retraite depuis un peu moins de six mois. Un départ anticipé pour cette ancien professeur de primaire, parce qu'elle était à bout. « Ce métier c'était une vocation, j'ai toujours voulu être enseignante mais il s'est avéré être redoutable ». Elle évoque les problèmes de discipline chez les CM2, puis les CM1, les CE2, « de plus en plus jeune ». Mais c'est surtout la pression exercée par les parents d'élèves qui a pesé sur sa décision. « On ne nous respecte pas, on nous agresse. Ils ne sont jamais contents. Quand tout va bien chez l'enfant c'est qu'il est intelligent, quand tout va mal, c'est que le prof est nul ».
Cauchemars et insomnies
Pendant ces trente ans à faire cours, cette enseignante avoue s'être fait arrêter par son médecin plusieurs fois, « pour souffler ». A la fin de sa carrière, elle ne dormait plus, faisait des cauchemars où elle les enfants n'obéissaient pas, elle a même eu des problèmes de tension. « Un jour j'ai dit j'arrête tout. Je suis enseignante, je ne suis pas flic ».
L' autorité discréditée
Au collège et au lycée c'est pire. Après deux dépressions, Anne Villedieu, 50 ans s'apprête à donner sa démission. Elle qui avait choisi l'enseignement comme reconversion professionnelle le regrette aujourd'hui. « L'indiscipline, les insultes fréquentes, la remise en cause de l'autorité, la contestation des notes » l'ont minées.
Elle évoque la boule au ventre qu'elle avait dès le dimanche soir et l'obligeait à prendre des somnifères et des antidépresseurs.
« On est confrontés à des conflits permanents. Or, on ne peut pas sortir un élève du cours parce que le proviseur ne sait pas où le mettre et le ramène en classe. C'est toute notre autorité qui est discréditée », poursuit Anne Villedieu qui dit aussi s'être sentie seule devant le peu d'aide de la part des collègues.
Estime de soi et solitude
Ces cris d'alarme, les médecins de la Mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN) disent en entendre tous les jours. Des groupes de paroles ont même été mis en place en 2007 pour permettre aux hommes et aux femmes qui le souhaitent de partager leur expérience, leur souffrance aussi. Les psychologues qui animent ces réunions constatent un durcissement général de la société et un rapport à l'autorité qui change. Ce n'est pas lié aux enseignants mais eux prennent de plein fouet ces bouleversements.
C'est aussi la question de l'estime de soi qui revient souvent. Quand on n'arrive pas à tenir sa classe, l'estime de soi en prend un coup. Sans parler de la solitude, du manque de formation des professeurs face à des élèves de moins en moins respectueux de l'image du « maître ».
Mieux accompagner les enseignants
Interrogée sur le sujet, le Dr Christine Cordoliani, médecin conseiller technique auprès de l'Académie de Versailles ne constate pas plus de burn-out chez les enseignants que dans les autres professions. « On rencontre chez tous des troubles du sommeil et toutes les manifestations d'anxiété. Il est vrai que les enseignants sont en plus confrontés au contact avec les élèves, cette question du relationnel peut accentuer ces phénomènes ». Pour ce médecin, il est possible de prévenir ces troubles par un « accompagnement des enseignants ». Elle précise: « Le travail d'équipe est primordial pour avoir une bonne qualité de vie au travail. C'est pour améliorer l'organisation du travail et lutter contre l'isolement des patients que nous avons mis en place des expertises par des psychologues dans notre Académie de Versailles ».
Le ministre de l'Education a tenu à répondre à cette enquête. A l'AFP, Luc Châtel a critiqué l'enquête des deux spécialistes français doutant de la « fiabilité statistique ». Il a aussi mentionné que des initiatives avaient été prises au niveau gouvernemental comme le fait de recruter plus de médecins de prévention il y a un an.
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Dans les médias:
- Le Monde
- "Près d'un enseignant sur cinq en collège et lycée souffre de burn-out", par Mattea Battaglia et Aurélie Collas, jeudi 20 octobre 2011 - Mutuelle Générale de l'Education nationale (MGEN)