Flatulences malodorantes : un régime inattendu
PARFUMÉ – Certains glucides présents dans les patates, bananes, artichauts et asperges pourraient limiter la production intestinale de sulfure d'hydrogène, gaz responsable de l’odeur nauséabonde des flatulences, selon une étude australienne dont les résultats restent à confirmer…
La digestion des "fibres alimentaires" a la réputation d’engendrer de grands volumes de gaz, conduisant certaines personnes – soucieuses de ne pas incommoder les narines de leurs congénères – à ne pas en consommer à tous les repas. Mais la science des flatulences est complexe, et ces ennemis traditionnels du déjeuner pourraient se révéler… les meilleurs alliés du pétomane délicat.
L’essentiel des gaz évacués lors d’une flatulence (de l’oxygène à l’azote en passant par le dihydrogène, le méthane et le dioxyde de carbone) sont inodores. Pour l’odeur, il faut se tourner vers le sulfure d'hydrogène (H2S), produites par certaines bactéries intestinales lors de la dégradation de composés soufrés.
Selon la gastroentérologue australienne Chu Yao, ce gaz n’est pas uniquement malodorant, puisqu’il est soupçonné d’augmenter le risque de cancer colorectal, et d’aggraver les MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin). Pour cette raison, son équipe a cherché à déterminer quels composés soufrés entraînaient la plus forte production de H2S, en analysant les échantillons de selles de sept volontaires.
L'acide aminé qui rend le culturiste peu fréquentable
Selon ces travaux, publiés ce 5 octobre, le coupable aurait été identifié : c’est un acide aminé, la cystéine, présent en grande quantité dans la viande, les œufs, les produits laitiers, et de nombreuses protéines. "Ceci explique pourquoi les culturistes, qui consomment beaucoup de poudre de protéines, sont réputés avoir des pets odorants", a commenté la chercheuse ce 12 octobre lors d’une présentation au congrès de la société australienne de gastroentérologie, relatée par le magazine New Scientist.
La viande produit des pets parfumés ? Rien de neuf sous la couette, il est vrai. Mais l’originalité des travaux de Chu Yao se trouve dans la solution proposée au problème. En présence de certains glucides à absorption lente [1], les bactéries présentes dans les matières fécales étudiées auraient abaissé leur production de H2S. L’amidon résistant (présent dans les pommes de terre, les bananes, les légumineuses et les céréales) et les fructanes (topinambour, seigle, artichaut, asperge…) auraient permis de réduire les émissions de l’ordre de 75%.
Fermentation prioritaire pour les glucides !
Pour Chu Yao, l’explication du phénomène pourrait être assez simple : les glucides à absorption lente sont plus aisément décomposables que les protéines. Les bactéries intestinales s’attaquent, de fait, à ces composés plutôt qu’à la cystéine. Et si cette fermentation accroit la production totale de gaz… il ne s’agit que de gaz inodores !
Certains produits incorporant de l’amidon résistant et des fructanes sont considérés comme des fibres alimentaires par les diététiciens. Si vous associez l’ensemble des fibres à une source potentielle de mauvaise odeur, les recherches de Chu Yao – si elles étaient confirmées au cours d’essais cliniques – devraient vous inciter à changer d’opinion… voir à vous réconcilier avec certains aliments à l’insoupçonné pouvoir "neutralisateur d’odeur" ! Quitte à émettre plus de gaz inodores.
Source : Modulation of hydrogen sulfide production from fecal microbiota by diet and mesalazine: utility of a novel in vitro gas-profiling technology. CK Yao et al., in. Basic Science Luminal (collectif). Journal of Gastroenterology and Hepatology, 5 oct. 2016. doi:10.1111/jgh.13515
[1] Ces glucides ne sont pas entièrement digérés dans l'intestin grêle, et sont fermentés dans le gros intestin.
Les recherches de l'équipe de Chu Yao ont également porté sur les effets sur la production de H2S d’une molécule utilisée dans le traitement des maladies de Crohn et des rectocolites hémorragiques, la mesalazine (ou acide 5-aminosalicylique). Son intérêt en ce domaine semble limité, mais pas inexistant.