La moitié des eaux du robinet contaminée par des résidus de pesticides

Des résidus de pesticides sont présents dans l'eau potable, alerte l'Anses dans un nouveau rapport. Elle s'inquiète en particulier de la présence de résidus du chlorothalonil, un fongicide interdit depuis 2019.

Mathieu Pourvendier avec AFP
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Ce métabolite est issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020
Ce métabolite est issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020  —  Shutterstock

Des résidus issus d'un fongicide, pourtant interdit depuis des années, omniprésents dans l'eau potable en France. C'est la conclusion d'un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publié jeudi 6 avril.

Pour cette étude, l'Anses a analysé des prélèvements d'eau dans tous les départements, y compris en Outre-mer, à la recherche notamment de 157 pesticides et de leurs métabolites, c'est-à-dire des composants issus de leur dégradation. "Sur les 157 composés recherchés, 89 ont été quantifiés au moins une fois en eau brute et 77 en eau traitée", indique l'Agence.

Du chlorothalonil dans un prélèvement sur deux

Un cas a particulièrement attiré l'attention des experts : le métabolite du chlorothalonil R471811, le plus fréquemment retrouvé, "dans plus d'un prélèvement sur deux", qui conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) "dans plus d'un prélèvement sur trois".      

Ce métabolite est issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020. Les autorités françaises avaient été alertées de sa présence fréquente dans les eaux de consommation suisses.

"Ces résultats attestent qu'en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus", conclut l'Anses.

Les pesticides persistent dans l'environnement

 "On sait depuis 2006 par la Commission que le chlorothalonil a la capacité de produire des métabolites en quantité importante", relève François Veillerette, de l'ONG Générations Futures.      

Cette persistance dans l'environnement ne surprend pas non plus Dominique Le Goux, de l'association Eau et rivières de Bretagne, qui prend l'exemple de l'atrazine, herbicide interdit au début des années 2000. "L’atrazine est interdite depuis plus de 20 ans et on en retrouve toujours les métabolites dans l’eau", souligne-t-elle. "Les pesticides ne disparaissent pas d'un coup de cuillère à pot".   

Un cancérogène "supposé"

Pour ce qui concerne le chlorothalonil, commercialisé par la multinationale Syngenta, la Commission européenne n'en avait pas renouvelé l'autorisation en 2019, et la France avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020 pour l'écoulement des stocks du produit. De plus, Syngenta a assuré à l'AFP prendre la sécurité de ses produits "très au sérieux".      

Bruxelles soulignait alors qu'il était "impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine". La Commission citait les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui estimait que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé".        

De son côté la fédération des professionnels de l'eau (FP2E) a précisé que le métabolite chlorothalonil R471811, "ne fait pas partie des pesticides dépistés systématiquement dans l’eau du robinet".      

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Besoin de "mesures fortes"

En outre, "l’élimination de ce métabolite dans l’eau potable est possible" mais "nécessiterait des investissements majeurs pour les services d’eau impliquant une augmentation significative du prix de l’eau", met en garde la FNCCR, association de collectivités territoriales spécialisées dans les services publics locaux. "Le fabricant du pesticide doit assumer ses responsabilités et contribuer au financement des actions de remédiation", ajoute-t-elle.      

Les ONG suggèrent de prendre le problème à la source : "Il faut que dès à présent des mesures fortes soient prises pour influer sur nos modèles agricoles", réclame Dominique Le Goux.

Enfin, ces révélations interviennent alors que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, veut revenir sur la procédure d'interdiction d'un autre produit, l'herbicide agricole S-métolachlore, pas encore banni par l'Union européenne.

Contactés par l'AFP, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et celui de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire n'a pour l'heure pas réagi.

L'eau du robinet sous haute surveillance
L'eau du robinet sous haute surveillance  —  Le Mag de la Santé - France 5