Levothyrox : une action collective en justice lancée contre l'ANSM
L'instance est accusée d'un "défaut de vigilance" et d'une "défaut d'anticipation" au moment du changement de formule du Levothyrox en 2017.
Une action collective en justice a été lancée contre l'agence du médicament (ANSM) dans l'affaire du Levothyrox, dont le changement de formule en 2017 a été accusé par des patients de provoquer des effets secondaires, a annoncé mardi 14 septembre l'avocat qui engage cette procédure.
Cet avocat, Christophe Lèguevaques, espère obtenir "15.000 euros par demandeur" pour "indemniser le préjudice moral d'anxiété", a-t-il indiqué lors d'une conférence de presse en ligne."Les personnes qui se sentent concernées" peuvent s'inscrire jusqu'au 15 novembre sur une plateforme en ligne pour se joindre à cette action, moyennant 120 euros. La procédure est lancée devant le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis), dont dépend l'ANSM.
Merck mieux protégé que les malades ?
Déjà à l'origine d'une autre action collective contre Merck, le laboratoire qui fabrique ce médicament pour la thyroïde, l'avocat a notamment accusé l'ANSM d'un "défaut de vigilance" et d'un "défaut d'anticipation" au moment du changement de formule.
"Si l’ANSM avait fait son travail, elle se serait aperçue que quelque chose clochait dans la nouvelle formule", affirme Me Lèguevaques. Selon cet avocat, l’autorité sanitaire n’a pas suffisamment vérifié l’équivalence entre la nouvelle formule et l’ancienne. "Les patients ont le sentiment que l’ANSM a davantage protégé l’industriel que les malades", ajoute-t-il.
"Il y a deux responsables dans cette affaire. Le laboratoire Merck, qui a introduit la nouvelle formule sans en informer les patients. Et l’ANSM, qui a fait aveuglément confiance à l’industriel", explique Beate Bartès, présidente de l’association Vivre sans thyroïde.
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Aucune vérification des données
En 2017, lors de la demande d’autorisation de mise sur le marché de la nouvelle formule, Merck a fourni de nombreuses données à l’ANSM, censées prouver que les deux formules provoquaient les mêmes effets secondaires. "Ces données étaient sous format image, l’ANSM n’a donc pas pu refaire tous les calculs dans un tableur", dénonce Me Lèguevaques.
Or, deux ans plus tard, des chercheurs sont parvenu à vérifier ces calculs. "Résultat : en moyenne, les effets étaient les mêmes. Mais chez deux individus sur trois, cette équivalence n’était pas atteinte. Sauf que cela a été gommé par la moyenne", explique l’avocat.
Selon lui, l’ANSM aurait pu éviter la crise en se livrant au travail qu’ont produit ces chercheurs. "La défaillance de l’Agence est l’une des causes principales de la crise du Levothyrox, affirme-t-il. Elle doit rendre des comptes aux malades."
Pourquoi changer de formule ?
Cette nouvelle procédure doit non seulement établir, ou non, la responsabilité de l’ANSM, mais aussi permettre de comprendre les raisons qui ont poussé Merck à changer la formule du Levothyrox. "En 2009 ou 2010, un autre médicament est apparu. Merck lui-même nous disait de ne surtout pas changer de traitement si on était bien équilibré", explique Beate Bartès.
La présidente de l’association Vivre sans thyroïde ne comprend toujours pas pourquoi la formule devait être changée. "Merck affirme que l’ANSM lui a demandé de changer de formule car l’ancienne était instable. Mais on n’a aucune preuve qui le confirme", précise-t-elle. "On n’a jamais vu non plus de rapports qui parlaient d’instabilité de l’ancienne formule."
Perte de confiance dans les autorités sanitaires
Beate Bartès se dit "très déçue" par l’ANSM. Pour elle, l’Agence a failli dans sa mission : "Les tests étaient insuffisants, les informations étaient insuffisantes, et quand on a commencé à faire remonter les effets secondaires, son temps de réaction a été beaucoup trop long", résume-t-elle.
Alors elle ne s’étonne pas que parmi les victimes, certaines aient complètement perdu confiance. "C’est dramatique pendant la crise du Covid. J’ai des retours de personnes anti-vaccin juste parce qu’ils n’ont plus confiance en l’ANSM, s’alarme-t-elle. Si les autorités censées nous protéger ne font pas leur travail, on est paumés."
Ce que nous voulons, c’est la reconnaissance qu’il y a bien eu un problème, revendique Mme Bartès. Vous entendre dire que vos symptômes sont dans votre tête, c’est le pire."