Mettez un pharmachien dans votre sac de plage !
Olivier Bernard exerce au Québec le métier de pharmacien... Mais le grand public le connaît mieux sous le pseudonyme du "Pharmachien", animateur d’un blog éponyme qui rencontre un succès croissant. Sur Internet, et dans un livre désormais publié en France, deux missions animent ce professionnel de santé à l’humour mordant : simplifier la science… et "anéantir la pseudoscience". Il était l’invité du Magazine de la Santé ce 25 juin sur France 5.
- Pourquoi ce blog ? Et pourquoi avoir voulu en faire un livre qui, signalons-le, n’est pas un best-of ?
Olivier Bernard : "Mon blog (Lepharmachien.com) est né de ma frustration de pharmacien face aux fausses croyances que peuvent avoir les gens en matière de santé. Le blog était au final pour moi le moyen le plus efficace pour apporter des explications à un maximum de personnes en même temps.
"Le livre représente quant à lui un défi personnel. Le support m’a obligé à avoir un fil conducteur et à organiser mes idées par chapitre, à la différence du web où mes billets de blog peuvent se suivre sans être directement liés. Mais le livre me permet de conserver mon style narratif proche de la bande dessinée."
- Votre livre aborde des sujets que vous ne traitez pas dans votre blog ? Pourquoi ce choix ?
Olivier Bernard : "J’aborde dans le livre des sujets plus généraux que dans le blog, en particulier les grands principes de médecine que tout le monde devrait savoir. Par exemple j’informe le lecteur sur les différences entre un professionnel de santé et quelqu’un qui n’en est pas un, ou pourquoi les médicaments peuvent à la fois être efficaces et risqués. Sur mon blog j’aborde des sujets plus précis, plus pointus."
- Vous différenciez donc ceux qui pratiquent sérieusement la médecine et ceux qui prétendent soigner les patients, autrement dit les « charlatans ». Le problème, c’est que les patients écoutent les deux… Comment faire pour que les patients retrouvent confiance en ces professionnels ?
Olivier Bernard : "Les gens font en effet de moins en moins confiance aux professionnels de santé. Le problème vient souvent de leurs attentes qui sont irréalistes. Ils pensent que les médecins savent tout sur tout, ce qui créé alors de la déception. A partir de là ils se tournent davantage vers des alternatives à la médecine. J’essaye d’apporter dans le livre des conseils pour différencier les thérapies sérieuses des thérapies inutiles."
- Les professionnels de santé ont-ils leur part de responsabilité dans ce manque de confiance des patients ?
Olivier Bernard : "Les professionnels de santé ont un rôle essentiel à jouer. Peut-être que nous n’avons pas pris le temps de bien nous expliquer sur le sujet. Mais les patients ont également leur part de responsabilité, ils se doivent de s’informer, de vérifier la pertinence des traitements."
- Votre livre s’attaque notamment aux responsables de la désinformation en termes de santé. Les médias sont-ils pour vous les premiers responsables ?
Olivier Bernard : "Non, mais les médias font parfois des erreurs. Au Canada, les informations scientifiques ne sont pas souvent traitées par des journalistes scientifiques, des personnes qui connaissent vraiment ce domaine et qui peuvent filtrer le vrai du faux. La question de la désinformation pourrait donc être facile à régler dans les médias si on engageait les bonnes personnes. Malheureusement la presse est aussi sous pression pour diffuser l’information le plus rapidement possible."
- La France est régulièrement confrontée à des polémiques sur les vaccins. Vous êtes Canadien et bien placé pour savoir que le lobby anti-vaccination est très puissant outre-Atlantique. Vous donnez cependant des explications pertinentes dans votre livre…
Olivier Bernard : "Un vaccin est comme un médicament, c’est-à-dire qu’il n’est pas sans risques. Le problème quand on aborde le sujet des anti-vaccins, c’est que l’information vient toujours de personnes qui n’ont pas de connaissances solides sur le sujet. L’argument de l’aluminium présent dans les vaccins revient régulièrement alors qu’il n’est présent qu’en très très faible quantité. N’oublions pas que le vaccin est d’une efficacité exceptionnelle. C’est l’invention la plus importante de la médecine moderne."
- La science et la médecine, comme la politique, sont des sujets souvent délicats à aborder. On peut heurter les sensibilités, mais vous donnez des conseils pour survivre à ces thèmes de discussion…
Olivier Bernard : "La meilleure stratégie est de rester calme quand on discute de médecine. Les personnes qui perdent patience ont souvent tort par la suite. Je conseille toujours de poser beaucoup de questions à son interlocuteur. Les gens qui ont peu de connaissances scientifiques, mais qui avancent malgré tout des arguments sans fondement sont souvent déstabilisés par ce procédé.
"Je donne d’ailleurs le même conseil à ceux qui pensent ne pas s’y connaître en médecine, notamment les jeunes : n’ayez pas peur de poser des questions ! C’est le meilleur moyen d’apprendre."
- Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme de « PharmaChien », qui peut sembler un peu péjoratif ?
Olivier Bernard : "Tout simplement pour le jeu de mot entre « pharmacien » et « chien », qui correspond bien à mon ton sarcastique. Au Québec le jeu de mot n’a d’ailleurs rien de péjoratif. Nous avons même une expression : « être chien », qui signifie avoir un humour incisif, être sarcastique."
« Le Pharmachien, différencier le vrai du n’importe quoi en santé ! » est publié aux éditions Kennes.