Les valves au coeur du système cardiaque
En l'espace d'une seule journée, notre coeur bat 100.000 fois. Un rythme impressionnant qui implique une machinerie à toute épreuve. Et dans ce dispositif, une pièce est stratégique : la valve cardiaque. Quel est le risque en cas de défaillance ? Que peut-on faire ?
La machinerie du coeur
Saviez-vous que le bruit des battements de votre coeur n'est pas dû aux contractions cardiaques mais plutôt à la fermeture de petits portes, les valves cardiaques ?
Les valves cardiaques sont essentielles au fonctionnement du coeur. Le coeur est une pompe qui doit propulser le sang dans l'organisme. Il est divisé en deux parties, chacune d'entre elle est composée d'une oreillette et d'un ventricule. Entre les oreillettes et les ventricules, on trouve des clapets, appelés valve mitrale à gauche, tricuspide à droite. Il en existe entre le ventricule gauche et l'aorte, c'est la valve aortique, et entre le ventricule droit et l'artère pulmonaire, c'est la valve pulmonaire.
Ces valves permettent de réguler la circulation du sang, en sens unique. Elles s'ouvrent dans un seul sens, sous la pression du sang, et se referment pour l'empêcher de refluer. Lorsque ces valves ne fonctionnent pas correctement, on parle de valvulopathie cardiaque. Toutes les valves cardiaques peuvent être touchées, mais ce sont les valves aortiques et mitrales qui sont les plus fréquemment atteintes.
Il existe plusieurs causes de dysfonctionnement de ces valves. L'une des plus fréquentes, c'est quand la valve se calcifie. Le sang contient effectivement du calcium issu de notre alimentation. Avec le temps, il vient se déposer et encrasser les feuillets des valves. Plus épaisses, elles gênent le flux sanguin : on parle de sténose aortique.
Pour traiter cette pathologie, on peut réaliser une valvuloplastie, c'est-à-dire une réparation de la valve défectueuse. Mais parfois la réparation n'est pas envisageable. Dans ce cas, il faut tout simplement remplacer la valve abîmée par une valve artificielle.
Valves cardiaques : une avancée médicale majeure
L'invention de la valve artificielle date de 1958 et reste aujourd'hui l'une des plus grandes avancées médicales du XXe siècle.
Il y a plus de cinquante ans, le professeur américain Albert Starr et le professeur Alain Carpentier ont révolutionné la cardiologie. En 1960, la chirurgie cardiaque n'existait pas, tous les enfants et les jeunes adultes qui avaient des maladies cardiaques mourraient faute d'intervention chirurgicale.
À cette époque, bon nombre de maladies cardiaques sont liées à une déficience des valves. Mais aucune solution viable n'est proposée aux malades. "Certaines de ces valves ne pouvaient pas être réparées chirurgicalement, elles devaient être remplacées. Il y avait donc un réel besoin, il fallait développer une véritable chirurgie dédiée aux valves artificielles", explique le Pr Albert Starr, chirurgien cardiaque.
En 1958, Albert Starr est approché par un ingénieur en aéronautique, Lowell Edwards. En quelques mois, ils mettent au point la première valve cardiaque artificielle. D'abord implantée sur des dizaines de chiens, tout de suite la valve s'avère être très efficace. Les animaux réagissent bien et continuent à vivre encore treize mois après l'opération. Mais le temps presse et devant l'urgence de la situation, Albert Starr propose l'implantation de la valve à l'un de ses patients.
Un petit objet qui laisse perplexe tant il est simple. Une bille de silicone à l'intérieur d'une cage métallique est fixée sur le coeur du patient. La bille sous la pression sanguine ouvre et ferme successivement la valve permettant ainsi de réguler le passage du sang. Le 21 septembre 1960, Philip Amundson est opéré. En un rien de temps, la nouvelle se répand et fait l'effet d'une bombe dans le milieu médical.
Lorsque cette innovation arrive en France, Alain Carpentier a 30 ans. Il est interne en chirurgie cardiaque. S'il est d'abord fasciné, deux ans plus tard, il constate que l'implantation peut avoir des conséquences inattendues. Pendant six ans, le Pr Carpentier fait des recherches. En 1968, il trouve enfin la solution : la valve tissulaire. Cette valve est faite en tissu biologique, du péricarde prélevé sur un porc. Désormais les risques de formation de caillot sont nuls. Le progrès est énorme mais le professeur est rapidement confronté à un autre problème. Comme cette valve est biologique, elle dure moins longtemps et s'use plus rapidement. Des recherches sont en cours pour prolonger la longévité de ces valves.
Depuis 55 ans, les inventions des professeurs Starr et Carpentier continuent de sauver plusieurs millions de vies à travers le monde.
Une opération à coeur ouvert
Les valves cardiaques ont tendance, avec les années, à se calcifier et à se rigidifier. L'opération est alors nécessaire. La plus pratiquée est l'opération à coeur ouvert.
En passant par l'artère fémorale
Certains patients trop fragiles ne peuvent pas bénéficier de l'opération à coeur ouvert, trop risquée. Après 20 ans de recherche, une équipe française a trouvé pour eux une solution alternative en 2002. Cette technique nécessite la présence d'un chirurgien ainsi que d'un cardiologue et d'un radiologue interventionnels.
Le changement d'une valve cardiaque par voie artérielle est une première mondiale réalisée en France le 16 avril 2002 par le Pr Alain Cribier. Pour réaliser le changement d'une valve cardiaque par voie artérielle, une simple anesthésie locale au niveau de l'artère fémorale dans l'aine est réalisée. C'est à cet endroit qu'une nouvelle valve est montée jusqu'au coeur. La valve est une bioprothèse en tissu animal avec trois feuillets pour reproduire l'anatomie naturelle. Une merveille de technologie médicale qui coûte 19.000 d'euros. Elle est fixée à un grillage en métal : un stent. L'ensemble est resserré sur le dispositif de mise en place dont il faut préparer le passage dans l'artère.
Il faut alors positionner sous le contrôle de la radio un fil assez rigide qui servira de guide à la future valve à l'entrée du coeur. Grâce au fil guide installé, c'est d'abord un ballonnet qui est placé à l'intérieur de la valve abîmée pour écarter ses parois. Car le rétrécissement aortique réduit le passage à quelques millimètres, beaucoup trop étroit pour l'introducteur de la future valve.
Le cardiologue dispose de repères invisibles pour un oeil non averti. Le bon positionnement est confirmé par l'injection d'un produit de contraste dans l'aorte. Le temps de compter jusqu'à 4, l'ancienne valve est écrasée par le stent qui s'accroche aux parois et installe la bioprothèse. Un remplacement immédiatement contrôlé. Le changement de valve cardiaque est réalisé en à peine plus d'une heure et dont la plus grande cicatrice mesure deux centimètres.
Pour certains patients dont les artères ne permettent pas le passage du dispositif, une autre voie assez spectaculaire est possible. On réalise une petite incision dans le thorax et on insère le cathéter par la pointe du coeur et on dépose la valve. Avec le vieillissement de la population, le recours à cette technique sauvera sans doute dans les années à venir des centaines de milliers de vie...
Des opérations moins invasives qui changent la vie
Depuis les toutes premières poses, 200.000 patients ont bénéficié de ces techniques moins invasives dans le monde.
Avant l'intervention, les patients sont à bout de souffle, le coeur s'épuise à essayer de compenser le rétrécissement de la valve... Ginou s'en souvient très bien. Elle se confie.
Bicuspidie : une malformation de la valve aortique
En France, 1 à 2% de la population souffre de ce qu'on appelle une bicuspidie. Il s'agit d'une malformation congénitale de la valve aortique qui ne présente que deux feuillets au lieu des trois habituels.
En cas de bicuspidie, la séparation des membranes ne s'est pas faite correctement. Résultat, l'une est plus grande et distendue ce qui n'est pas sans conséquence. Cette malformation peut en effet entraîner une fuite à l'âge adulte. Une défaillance qui nécessite dans certains cas une opération pour réparer la valve malade.
Le geste opératoire consiste à plier et à re-suspendre la membrane la plus grande afin que les deux membranes existantes s'accolent parfaitement lorsqu'elles se ferment, assurant ainsi une étanchéité parfaite de la valve.