Le vin est-il bénéfique pour la santé ?
Vous avez déjà sûrement entendu ou lu que le vin a des vertus exceptionnelles pour nous protéger contre les maladies cardiovasculaires. C'est la raison pour laquelle certaines personnes se mettent à boire en pensant protéger leurs artères et éviter l'infarctus du myocarde. Cette attitude est-elle justifiée ? Le vin est-il bon pour la santé ? Les réponses dans ce dossier.
Les vertus du vin, entre mythe et réalité
- Les recommandations du PNNS (plan national nutrition et santé) concernent-elles le vin ?
Dr Boris Hansel, nutritionniste - endocrinologue : "Si l'on se base sur les recommandations du Plan national nutrition santé, celles qui nous disent qu'il faut manger des fruits, des légumes et des produits laitiers, la réponse est non. Boire un ou deux verres de vin n'est pas spécialement conseillé pour la santé. La seule boisson indispensable, c'est l'eau."
- Le lien entre baisse des maladies cardiovasculaires et consommation de vin est-il démontré ?
Dr Boris Hansel : "On fait allusion à ce qu'on appelle le paradoxe français, le french paradox en anglais. Le paradoxe français est un concept qui est apparu dans les années 80. On avait l'impression que les Français mangeaient plus gras, plus riche en cholestérol et que malgré cela, ils étaient moins touchés par les maladies cardiovasculaires par rapport aux autres populations.
"Ces données ont été revues en détail et on s'est rendu compte avec de nouvelles estimations que les Français ne mangent pas si gras, et ils ne sont pas particulièrement protégés des maladies cardiovasculaires par rapport à certains autres pays d'Europe."
- Le paradoxe français, mythe ou réalité ?
Dr Boris Hansel : "Plusieurs spécialistes ont reconnu que le paradoxe français n'a plus lieu d'être. Ils expliquent combien il est difficile de comparer, entre différents pays, les habitudes alimentaires et la fréquence des maladies cardiovasculaires. Les méthodes de mesure sont très différentes d'un pays à l'autre et donc peu comparables.
"L'étude MONICA est l'une des seules études qui a comparé par les mêmes méthodes les chiffres de plusieurs pays d'Europe. Et le verdict est clair : il n'y a pas de paradoxe français. Il y a un "gradient nord-sud" : le risque cardiovasculaire diminue quand on descend vers le sud de l'Europe qu'on soit en France ou non."
- Les personnes qui consomment du vin en quantité modérée font-elles moins d'infarctus que celles qui n'en boivent pas ?
Dr Boris Hansel : "Les études montrent que les buveurs modérés de vin font moins d'attaques cardiaques que les abstinents. Mais attention, cela ne veut pas dire que c'est le vin qui protège. On s'est rendu compte que les personnes qui boivent du vin en quantité modérée, sont des personnes qui par ailleurs font davantage attention à leur santé. Surtout ces personnes mangent mieux que les abstinents : plus de fruits et légumes, elles font plus d'activité physique. Ces personnes sont d'un niveau social plus élevé avec donc un meilleur accès aux soins. Il est donc probable que ce ne soit pas le vin qui les protège mais plutôt un mode de vie globalement plus sain."
- Le vin comporte des antioxydants, les fameux polyphénols réputés pour leur effet protecteur. Cela ne devrait-il pas nous protéger contre l'infarctus ?
Dr Boris Hansel : "Le vin comme le chocolat, le café et le thé, contient effectivement des polyphénols. En ce qui concerne le vin le plus célèbre, c'est le resvératrol. On a beaucoup espéré de ce composé chimique. Chez l'animal, il dilate les artères. On a pensé qu'il pouvait protéger les humains contre l'infarctus et également contre d'autres maladies chroniques comme les cancers grâce à son effet antioxydant. Mais à l'heure actuelle, cela n'est pas prouvé.
'Et une grande étude d'observation n'a pas trouvé de relation entre l'élimination urinaire du resvératrol et les risques de maladies cardiovasculaires et des cancers. En clair, les personnes qui éliminaient, et donc consommaient le plus de resvératrol, n'étaient pas protégées, ni contre les cancers, ni contre les maladies cardiovasculaires."
- Doit-on donc oublier l'idée que le vin protège le coeur ?
Dr Boris Hansel : "Peut-être pas complètement ! La science n'a peut-être pas dit son dernier mot… Mais pour le moment, il ne faut surtout pas oublier que l'alcool est une cause majeure de cancer, même quand il est consommé en petite quantité. L'Institut national du cancer le rappelle fréquemment… Près de 15.000 décès cancer sont attribuables à l'alcool chaque année en France. Les études scientifiques montrent une augmentation du risque de cancer dès une consommation moyenne d'un verre par jour."
- Combien de vin est-il raisonnable de consommer ?
Dr Boris Hansel : "Il y a des situations où il ne faut pas du tout consommer de vin : pendant la grossesse, dans certaines situations médicales rares... un verre de vin peut être dangereux. Heureusement ça reste l'exception.
"Il y a aussi des cas ou un verre de temps en temps n'est pas un danger, mais où il faut limiter l'alcool au maximum. Par exemple, les personnes qui ont une pathologie du foie. Votre médecin vous avertira si vous êtes dans cette situation.
"En dehors de ces cas particuliers, cela reste raisonnable de boire du vin en quantité modérée, c'est-à-dire un à deux verres par jour pour les femmes et deux à trois verres par jour pour les hommes."
- Si on ne boit pas du tout de vin et que l'on est en bonne santé, y a-t-il des raisons de se mettre à boire du vin un peu tous les jours ?
Dr Boris Hansel : "En l'état actuel des connaissances, si vous ne buvez pas, il ne faut pas vous mettre à boire pour la santé. La seule raison de boire modérément c'est pour le plaisir que procure la dégustation d'un bon verre de vin.
'En France, la consommation de vin diminue de manière continue depuis le début des années 1960. Cette évolution s'explique, en partie, par la modification des habitudes de consommation. Dans le même temps, de nouveaux vins voient le jour comme le vin moins alcoolisé, très apprécié dans certains pays comme la Nouvelle-Zélande ou le Canada."
Vin : diminuer la teneur en alcool
Les viticulteurs français ne sont qu'une poignée à avoir franchi le pas. Ils sont soutenus par des chercheurs de l'INRA, l'Institut national de recherche agronomique, qui développent des procédés pour diminuer la teneur en alcool du vin.
Le marché de la production de vins allégés en alcool est encore peu développé en France. Un choix marketing pour cibler un nouveau public mais pas seulement. "Ils nous appartient, à nous professionnels, d'apporter une réponse au ministère de la Santé quand on lutte contre l'obésité, contre l'alcoolisme… On peut dire qu'on ne nous reconnaît pas, qu'on est contre ou au contraire réfléchir en disant qu'il y a effectivement une problématique de société qui se pose : nous, en tant que vignerons, quelle est notre réponse ?", explique Claude Vialade, fondatrice des domaines Auriol.
La réponse de certains vignerons, c'est un vin à 9 degrés, alors que de plus en plus de vins affichent jusqu'à 15 degrés. Un vin à faible teneur en alcool, c'est aussi un vin moins calorique : 65 calories dans un verre, deux fois moins que pour un vin classique.
Pour produire ce vin allégé, il faut d'abord trier le raisin qui a été récolté comme pour un vin standard. C'est à partir de la fermentation que le processus de fabrication diffère. Cette étape va permettre de compenser la perte d'alcool produite par la désalcoolisation effectuée par une machine avant la mise en bouteille.
L'innovation technologique pour désalcooliser le vin est née en Australie il y a une dizaine d'années. Elle est arrivée en France il y a cinq ans après avoir été validée par des chercheurs de l'INRA. C'est à Gruissan près de Narbonne, que des chercheurs travaillent depuis plusieurs années sur la réduction de la teneur en alcool du vin.
L'augmentation du taux d'alcool dans le vin est en partie causée par le réchauffement climatique. Avec la hausse des températures, les raisins arrivent à maturité plus tôt et sont de plus en plus sucrés. Ce sont ces sucres qui sont transformés en alcool par les levures. Les chercheurs de l'INRA ont donc trouvé une solution pour obtenir un vin moins alcoolisé : la création de nouveaux cépages.
Une équipe de l'INRA travaille également sur des levures qui mangeraient le sucre du raisin au moment de la fermentation. Cela permettrait ainsi de diminuer la teneur en alcool de un à deux degrés. Mais les Français sont-ils prêts à boire du vin allégé en alcool ? Selon les observations des chercheurs, en moyenne, les femmes préfèrent le vin désalcoolisé alors que les hommes ont plutôt tendance à préférer le vin plus alcoolisé.
Le vin du futur sera peut-être un vin allégé en alcool. Mais il ne pourra jamais descendre en dessous de 8,5 degrés, la limite pour conserver l'appellation vin.