Sortir de l'alcoolisme grâce aux médicaments
Il y a ceux qui s'arrêtent dans un bar, ceux qui se cachent pour boire ou encore ceux qui terminent les soirées en piteux état... L'alcoolodépendance touche deux millions d'adultes en France. Après le tabac, l'alcool est la deuxième cause de mortalité avec près de 50.000 décès chaque année. Depuis quelques années, de nouveaux médicaments font leur apparition pour lutter contre cette dépendance. Leurs noms : baclofène, Selincro® ou encore Alcover®. Comment fonctionnent-ils ? Quelle est leur efficacité ? Quel recul ont les médecins sur ces nouveaux traitements médicamenteux ?
Comment s'installe la dépendance à l'alcool ?
Comment l'alcool peut devenir une addiction. Quand une personne boit de l'alcool, la molécule d'éthanol rejoint la circulation sanguine en une heure et envahit les organes y compris le cerveau. L'éthanol agit alors sur plusieurs circuits de neurones. La personne se sent détendue mais ses reflexes baissent, sa coordination motrice diminue tout comme sa vigilance.
L'alcool est aussi une substance addictive. Il agit sur une zone précise du cerveau à savoir le circuit de la récompense situé dans le système limbique. Quand une action nous procure du plaisir, le système lymbique mémorise notre niveau de satisfaction. C'est ce processus qui habituellement nous motive pour apprendre et nous incite à répéter une action plaisante.
Ce circuit fonctionne grâce à un messager chimique libéré par les neurones, la dopamine. Habituellement, une action satisfaisante entraîne la libération d'un peu de dopamine ce qui stimule le circuit de la récompense : "on est content". Avec l'alcool, ce système se dérègle. À chaque fois que l'on boit, la quantité de dopamine libérée est plus importante. Elle devient systématique. Conséquence : le signal d'apprentissage est tellement fort qu'il nous encourage à consommer.
Quand la consommation devient répétitive, ce plaisir devient plus difficile à atteindre. La personne augmente ses doses. Le problème c'est qu'à long terme, elle plonge alors dans un état de frustration, de tristesse voire de colère. Elle consomme alors encore plus d'alcool, non plus pour le plaisir mais pour diminuer les effets négatifs de cette consommation chronique. C'est la dépendance. Une dépendance qui peut glisser vers une véritable addiction, quand la personne ressent une envie irrépressible de boire.
Depuis quelques années, de nouveaux médicaments font leur apparition pour lutter contre cette dépendance. Leurs noms : baclofène, nalméfène (Selincro®) ou encore oxybate de sodium (Alcover®).
Sevrage alcoolique : le Selincro®, médicament miracle ?
Depuis septembre 2014, les médecins peuvent prescrire un nouveau médicament pour réduire l'envie de boire : il s'agit du Selincro®.
Le Selincro® est composé d'une molécule appelée nalméfène. Celle-ci agit directement sur les zones du cerveau responsables de la forte envie de boire. "Le Selincro® diminue l'envie de consommer et surtout il maintient entre les consommations la sensation de "bien-être". Il n'y a plus cette obsession à l'idée de reconsommer de l'alcool", explique le Pr Amine Benyamina, psychiatre addictologue.
Ce médicament ne stoppe pas l'envie de boire, mais la régule. Résultat : le patient continue de boire mais réduit ainsi sa consommation d'alcool comme le confirme le Pr Benyamina : "Le Selincro® s'adresse aux personnes dépendantes à l'alcool, qui ont de véritables dommages liés à la consommation d'alcool, chez lesquels le but n'est pas l'arrêt de l'alcool mais la diminution des dommages, passant par la réduction de la consommation".
Le Selincro® peut entraîner des effets indésirables comme des nausées, des vertiges ou encore des maux de tête. Le médicament seul ne suffit pas, un accompagnement est indispensable pour garder le nouvel équilibre.
Alcover®, un espoir pour les alcoolo-dépendants ?
C'est une molécule qui a fait la Une des faits divers : le GHB plus connu sous le nom de "drogue du violeur". Ce produit utilisé à l'insu des victimes se dissout dans un verre d'alcool et altère l'état de conscience de la personne qui le boit.
Mais cette molécule pourrait bien devenir un médicament dans le traitement de l'alcoolodépendance. Alcover® est son nom. Le laboratoire D&A pharma qui le fabrique vient de rendre public les résultats prometteurs de son essai clinique commencé en 2012.
L'Alcover® est un médicament destiné à aider au sevrage alcoolique. Il est composé d'une molécule, l'oxybate de sodium, qui est bien connu à l'étranger. En Italie par exemple, elle est utilisée depuis vingt ans sous forme liquide pour traiter l'alcoolodépendance.
"Le principe actif agit sur les récepteurs du cerveau GABA et dopaminergiques. Et un des mécanismes probables, c'est une action proche de l'alcool. Il va compenser le manque d'alcool et maintenir l'abstinence", explique Marc Pellet, directeur recherche et développement des laboratoires D&A pharma. Cette molécule va donc agir comme une sorte de substitut à l'alcool, le patient ne va plus ressentir l'envie de boire.
Seul problème : l'oxybate de sodium est aussi connu sous le nom de GHB. Pour éviter tout détournement, le laboratoire a dû créer une formule chimique qui ne peut pas se dissoudre. Une chose est sûre, les résultats de l'essai clinique sont encourageants. 75% des patients participants sont devenus abstinents.
Le Dr Philippe Batel*, psychiatre addictologue, confirme les bienfaits du médicament : "L'Alcover® est un médicament qui est préventif de la rechute. Dans un premier temps, le patient va se mettre dans un projet d'abstinence et va effectuer un sevrage. Et à la suite du sevrage, il va recevoir ce médicament qui va être une sorte "d'édredon", d'airbag entre les stimuli, l'envie de boire qu'il peut avoir, et le passage à l'acte".
Si le laboratoire D&A pharma obtient toutes les autorisations de mise sur le marché, l'Alcover® devrait être commercialisé en France et dans 28 pays européens d'ici 2016.
* Le Dr Philippe Batel signale du fait de son implication dans les essais cliniques, un lien d'intérêt avec le laboratoire D&A pharma qui fabrique l'Alcover®, mais également avec les laboratoires Lundbeck pour le Selincro®, et Ethypharm pour le baclofène.
En savoir plus sur le sevrage alcoolique
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