Les sourds plus vulnérables à la dépression
Une récente étude menée par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) démontre que la détresse psychologique et les tentatives de suicide sont plus importantes chez les personnes souffrant de surdité. Cette enquête lève le voile sur une situation sous-estimée. Pour l'expliquer, l'association Unisda a réalisé un court-métrage afin de mieux comprendre l'isolement dont ils sont victimes.
Malentendus, quiproquos… c'est toute l'histoire d'Annie. De sa surdité, elle n'en dit pas mot aux invités. Après tout, elle sait parler et lire sur les lèvres. Le court-métrage est une fiction, une sorte d'invitation à se glisser dans la peau d'une malentendante.
Peu à peu, Annie Amiel se sent exclue du monde, celui des entendants. Elle est née pratiquement sourde. À 6 ans, elle est appareillée. Parce qu'elle sait parler, elle s'adapte, mais elle s'épuise aussi, se décourage parfois et s'isole : "La situation peut être déprimante parce qu'on se demande qu'est-ce qu'on fait là, pourquoi on est là, à quoi ressemble sa vie... On vit mais on vit pour faire quoi, pour faire quelque chose toute la journée qu'on ne comprend pas, pour ne pas pouvoir participer avec les autres… quel intérêt ? C'est déprimant".
Annie ne s'est jamais sentie à sa place jusqu'à ce jour où elle fait face à son handicap. À 55 ans, elle fait le pas et rencontre pour la première fois des personnes sourdes et malentendantes. Elle apprend la langue des signes et soulage peu à peu ses maux : "Je me suis alors retrouvée. J'ai retrouvé mon identité de sourde. À partir de la langue des signes, j'ai acquis une langue. Cela m'a apaisé", confie-t-elle.
L'histoire d'Annie est loin d'être unique. C'est pourquoi elle a tenu à participer au court-métrage, une sorte d'outil pour parler d'un sujet tabou : la dépression des personnes sourdes et malentendantes. Un risque méconnu qui est pour la première fois mis en évidence par une récente enquête. Et le bilan est inquiétant. Près de la moitié des victimes de troubles auditifs se disent en détresse psychologique, soit trois fois plus que dans la population générale. Quant aux tentatives de suicide, là aussi elles concernent 13,9% des sourds et malentendants contre 5,5% des Français.
Pour les associations, il devient nécessaire de mettre en place une prise en charge adaptée comme l'explique Jean-Louis Bosc, vice-président de l'Union nationale pour l'insertion du déficient auditif (UNISDA): "Les effets de la surdité ne sont pas forcément connus de tous les psychiatres et psychologues. Cela suppose donc une formation particulière, une expérience dans ce domaine. Et il faut savoir qu'en France, il n'y a que quatre centres qui offrent cette possibilité".
Dans ces centres, les psychiatres et infirmiers sont tous formés à la langue des signes et surtout à ce sentiment d'isolement, à la souffrance liée au handicap. "Quand il y a une perte de ce sens, ce n'est pas seulement un problème de communication, c'est un problème de perte identitaire. Par exemple, certains patients ont besoin de la musique comme un objet thérapeutique et quand ils perdent cette capacité, ils perdent des sources d'alimentation de leur personnalité, de bien-être… Il faut alors inventer. Et le but de la thérapie est d'inventer autre chose, déplacer le rapport au monde, trouver d'autres sources identitaires qui leur permettent de tenir", souligne Ursula Renard, psychologue.
Si les unités de soins sont nécessaires, elles ont parfois du mal répondre à la demande et à recruter des soignants formés à la langue des signes.