Verdun : soigner au coeur des tranchées
Ce dimanche 29 mai 2016, François Hollande et Angela Merkel ont commémoré les cent ans de la bataille de Verdun. Une bataille de 300 jours qui a fait plus de 300.000 morts mais aussi 400.000 blessés. Des blessés qu'il a fallu prendre en charge en urgence au milieu des tranchées et dans des conditions sanitaires très difficiles.
Du 21 février au 15 décembre 1916, les combats sont continus à Verdun. Une guerre de tranchées sous une pluie d'obus. Face à l'afflux de blessés, la prise en charge médicale doit s'organiser, se rationaliser. Au plus près des combats, les premiers soins peuvent être prodigués dans les tranchées.
Les blessés sont ensuite évacués vers d'autres endroits. En 1916, les abris des cheminées servaient de bases de commandement et de postes de secours avancés. "On y prodiguait les premiers soins d'urgence. On ouvrait l'uniforme pour voir où était la blessure, on mettait un pansement sur la plaie, on faisait une injection antitétanique parce que les soldats n'étaient pas vaccinés contre le tétanos. Si on n'était pas dans une grande journée de bombardements, le soldait qui pouvait se déplacer allait vers les postes encore plus en arrière. Et s'il devait être transporté, il attendait de préférence le soir pour être envoyé vers l'extérieur. C'est finalement le premier maillon de toute chaîne qui permet de sauver des vies", raconte Nicolas Czubak, professeur d'histoire détaché au mémorial de Verdun.
Face à un afflux de blessés toujours plus important, les médecins commencent par trier les soldats. C'est une des règles de base de la médecine d'urgence comme l'explique le Pr Jean-Noël Fabiani, chirurgien professeur d'histoire de la médecine : "Dans une grande catastrophe, il faut que le médecin le plus expérimenté, souvent le plus âgé en grade, effectue le premier tri et qu'il différencie les éclopés, ceux qui peuvent attendre, ceux qui sont morts ou moribonds et hélas pour eux on ne peut plus rien faire, et les urgences. Ensuite, on fait passer au bloc opératoire les plus malades".
Pour être opérés, les blessés sont transportés dans des hôpitaux de campagne, installés à une quinzaine de kilomètres du front. Au Mémorial de Verdun, une table d'opération typique de l'époque a été reconstituée. Elle témoigne des moyens rudimentaires avec lesquels travaillaient les chirurgiens. "C'était des opérations non stop", souligne Nicolas Czubak, "en 24 heures, les médecins se relayaient pour opérer entre 30 et 50 blessés graves, sans compter les blessés légers. L'opération principale effectuée était l'extraction de balle ou de projectile. Et quand les soldats étaient trop grièvement blessés, avec des blessures très infectées, les chirurgiens réalisaient des amputations".
Pour le Pr Fabiani, "le problème d'une plaie de guerre, c'est qu'il y a autant de choses qui viennent de l'obus, de la terre… qui pénètrent à l'intérieur. Et cela est une source épouvantable d'infections. Mais si vous réalisez une coupe chirurgicale, on laisse le moignon ouvert, l'infection va se produire au niveau du moignon mais elle ne va pas monter parce qu'elle n'est pas à l'intérieur du membre".
Pendant la Grande guerre, les antibiotiques n'existent pas. Le chirurgien Alexis Carrel recommande d'utiliser la liqueur de Dakin. Cet antiseptique permet de réduire le nombre d'infections et de gangrènes. Les médecins comprennent aussi que les blessés doivent être opérés en urgence, au plus près du front. Ils inventent alors les autochirs, des petits hôpitaux mobiles contenus dans cinq camions : "Il y avait une salle d'opération qui pouvait se déplier. Il y avait une salle à côté pour la convalescence pour le retour des blessés. Et avant d'être opérés, il y avait une salle de chauffage des blessés. Beaucoup de soldats qui arrivaient blessés étaient traumatisés et donc il fallait en les réchauffant essayer de détendre avant d'arriver à l'opération", raconte Nicolas Czubak.
À l'époque, les automobiles ne sont pas tout terrain. Alors entre les trous d'obus, les barbelés et la boue, ce sont des hommes qui doivent aller ramasser les blessés sur le front. Des brancardiers qui paient un lourd tribut à la guerre. La bataille de Verdun a fait plus de 300.000 morts, parmi eux 130 médecins français et de nombreux infirmiers et infirmières.