Etudiants en médecine : formés en Europe, ont-ils tous le même niveau ?
Plusieurs internes ont été exclus d'hôpitaux français pour cause d'incompétence. La plupart avaient effectué la première partie de leurs études en Roumanie, et grâce à l'équivalence des diplômes européens, étaient revenus en France pour leur stage d'internat. Mais après quelques semaines, ils ont été sortis des services et priés de suivre un stage de remise à niveau de six mois.
- Pourquoi ces internes formés à l’étranger ne sont-ils pas au niveau ?
Pr Philippe Jaury : "Ils ont une formation qui n'est pas suffisante pour ce que nous demandons au niveau d'une mise en autonomie de nos internes. On s'en était déjà rendu compte l'année dernière. Cette année, on a voulu évaluer ces étudiants formés à l'étranger pour qu'on ne puisse pas nous dire que ce sont des rumeurs. Et l'évaluation est assez consternante !
"Ce sont des étudiants en médecine, des internes, puisqu'ils ont été reçus au concours même avec 0 ou 1 à leur copie, qui ont un niveau de quatrième, au mieux de cinquième année de médecine. Les étudiants formés en France ont six ans d'études derrière eux. Parfois, il y a des problèmes de langue. C'est compliqué mais, à la limite, la langue ça s'apprend vite. Mais surtout, il leur manque beaucoup de compétences qu'on ne pourra pas rattraper en six mois."
- Dans la formation médicale, il y a la théorie, c'est-à-dire les cours, et la pratique, c'est-à-dire le contact avec le patient. Quelle partie de la formation manque à ces étudiants ?
Pr Philippe Jaury : "ll leur manque les deux. Il y a des pans complets de connaissances qu'ils n'ont pas. D'autre part, ils n'ont pas la pratique. On peut difficilement imaginer les mettre en situation d'autonomie dans les hôpitaux, leur confier des gardes... Il y a des signes cliniques qu'ils ne connaissent pas. Ils n'ont pas le niveau en sémiologie médicale. Par exemple, ils ne savent pas interpréter un électrocardiogramme. Quand vous êtes de garde, c'est embêtant.
"A priori, il n'y a pas eu d'accident car on les a retirés assez vite des services. On s'est rendu compte très vite qu'ils n’avaient pas le niveau. Comme c’est la deuxième année que cela se passe, on avait déjà prévenu les chefs de service."
- Vous avez alerté le ministère de la Santé sur ce problème. Que vous a-t-on répondu ?
Pr Philippe Jaury : "On a déjà vu les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur l'année dernière. Ils nous ont dit simplement que « c'est comme ça, c’est le système européen. Débrouillez-vous, c’est à vous de les former, c’est vous les formateurs. Nous, on ne veut pas de vague ! ». Du coup, cette année, toutes les facs étaient prévenues.
"Sur l'Ile-de-France, il y a sept facultés qui ont essayé de repérer ces internes non compétents, du moins en souffrance, et on avait prévenu les chefs de service. Et, très vite, on a eu des retours. Le problème, c'est quand un hôpital comme Villeneuve-Saint-Georges se retrouve avec six internes de cette catégorie-là...
"Quand il n'y en a qu'un dans des services éparpillés, c'est différent. La plupart des chefs de service les ont pris à part. Ils les ont exonérés de garde pour les former. Certains leur donnent des cours de langue, mais ce n'est pas tenable. J'ai demandé à être reçu au ministère de la Santé, je n’ai même pas eu de réponse. On a fait ce qu'on a pu. On les a mis dans des services pour les évaluer, les former. Et, en plus, ils sont payés. Je peux vous dire que l’Assistance publique qui les paye n'est pas très contente."
Plusieurs pistes sont à l'étude pour éviter que ce problème ne perdure. Certains pays, comme l'Allemagne, imposent une épreuve de langue. Les doyens des facultés de médecine proposent aussi de mettre une note éliminatoire aux épreuves classantes nationales ou ECN. Cet examen permet, suivant sa place, de choisir sa spécialité. Cependant, quelle que soit la note obtenue, les candidats peuvent devenir internes pour ensuite exercer.