Epilepsie : des insuffisances dans la prise en charge en France
C'est un cri d'alarme de tous les acteurs de l'épilepsie en France. Cette maladie neurologique chronique, qui provoque des crises de convulsions à répétition, serait, selon eux, mal prise en charge. Le point avec le Professeur Didier Leys, qui dirige le service neurologie du CHRU de Lille et préside la Société française de neurologie.
- Vous vous inquiétez particulièrement de la situation des enfants. Ils seraient 900.000 à être touchés par l'épilepsie en France.
Y a-t-il un retard au diagnostic ?
Pr Didier Leys : "On estime à 1% le nombre de Français atteints d’épilepsie. La plupart des cas d’épilepsie débutent pendant l’enfance, et tout va dépendre de l’orientation du patient dès la premier crise. Si cette orientation n’est pas correcte, il peut y avoir un retard dans la prise en charge. Il y a un risque de sous-diagnostic, c'est-à-dire qu'on n'identifie pas comme épileptique un enfant qui l'est. Mais il peut aussi y avoir un risque de sur-diagnostic, qui peut déboucher sur un traitement abusif pour des patients qui n'ont en réalité pas besoin d'un traitement."
- Qu'est-ce qu’une bonne orientation ?
Pr Didier Leys : "Une bonne orientation se fait dès la première crise. Il faut bien différencier les crises qui vont révéler une maladie d'un tout autre type (accident vasculaire cérébral, tumeur, etc.) pour se focaliser sur l'épilepsie, c'est-à-dire une prédisposition à répéter des crises. Le diagnostic doit être fait le plus tôt possible pour que le meilleur traitement (chirurgie ou médicament) puisse être prescrit le plus rapidement possible."
- Vous alertez sur les difficultés d'accès à l'électroencéphalogramme…
Pr Didier Leys : "Au-delà de l'examen clinique, bien sûr, l'électroencéphalogramme est très important, car il permet de confirmer le diagnostic, mais aussi de préciser de quel type d'épilepsie il s'agit. Or actuellement, il y a une difficulté d'accès à cet examen dans le secteur libéral, parfois aussi dans le secteur public, avec une obligation d'avoir recours à la télémédecine…"
- Y a-t-il une prévention possible ?
Pr Didier Leys : "L'urgent, c'est de mieux former les médecins - surtout les urgentistes, puisque la première crise d'épilepsie passe d'abord entre les mains des urgentistes avant d'arriver entre les mains d'un neurologue. Mais il faut aussi éduquer le public, notamment les enseignants qui peuvent avoir un regard erroné sur les enfants épileptiques."
- Vous évoquez une image "moyenâgeuse" de l’épilepsie, qui subsisterait dans les esprits. Qu'entendez-vous par là ?
Pr Didier Leys : "Au Moyen-Age, l'épileptique était considéré comme possédé par le démon… Il faut reconnaître que c'est très spectaculaire d'observer une crise généralisée, avec perte de connaissance et morsure de langue. C'est impressionnant même pour les médecins. Mais parfois aussi il y a des crises difficiles à identifier, notamment chez l'enfant : c'est alors une absence, une rupture de contact, difficiles à reconnaître, surtout par la famille ou les enseignants."