Où en est la recherche dans le diabète de type 1

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune caractérisée par la destruction des cellules qui produisent l'insuline, l'hormone régulant le taux de sucre dans le sang. Actuellement traité par des injections d'insuline, le diabète de type 1 fait l'objet de nombreuses recherches. Le point avec le Dr Hartemann, diabétologue, et le généticien Philippe Froguel.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Où en est la recherche dans le diabète de type 1

Immunothérapie, pancréas artificiel, régénération et greffe de cellules à insuline

Le diabète de type 1 représente 10% des cas de diabète en France (le reste concerne le diabète de type 2 et le diabète gestationnel, durant la grossesse). Son diagnostic se fait dans la moitié des cas avant l'âge de 20 ans. La maladie est affirmée lorsque la glycémie est supérieure ou égale à 1,26 grammes par litre (soit 7 m mol/l) sur deux contrôles successifs.

La recherche a d'ores et déjà permis de mieux comprendre le diabète de type 1.

"Ce que l'on sait maintenant c'est que le diabète de type 1 est une maladie auto-immune, explique le Dr Hartemann, diabétologue. Des globules blancs (les défenses immunitaires) se trompent de cibles et prennent pour cible les cellules qui sécrètent l'insuline, disséminées dans le pancréas. Cette destruction n'est pas brutale, c'est une série d'événements sur plusieurs années qui vont déclencher la destruction finale des cellules. Il s'agit d'événements dans l'environnement, qui se succèdent et finissent par faire triompher ces globules blancs destructeurs".

L'environnement en cause

On constate que le diabète est découvert de plus en plus jeune, vers 3-4 ans. Il y a un gradient Nord-Sud: il y a davantage de diabétiques dans les pays du Nord que du Sud, sans que l'on puisse l'expliquer. Selon le Dr Hartemann, plusieurs théories sont formulées mais restent hypothétiques :

  • La  théorie de l'hygiène suggère que, paradoxalement, l'on n'est plus suffisamment soumis à des infections dans la petite enfance, qui nous protégeaient en stimulant les défenses immunitaires. "Par exemple, les souris dans une animalerie très propre sans parasites, ni virus, développent beaucoup de diabète alors qu'en présence d'oxyures (des parasites), elles n'en ont plus", raconte le médecin.
     
  • La théorie des virus met en cause les entérovirus (des virus de rhinopharyngites très fréquents). "Une partie du virus ressemble en effet à une partie des cellules à insuline, développe-t-elle. Les globules blancs pourraient "confondre" la cible et prendre la cellule à insuline pour cible par erreur. Un vaccin contre ces virus est à l'étude, mais il est compliqué à mettre au point."

Un dépistage précoce difficile

"Quand la maladie est là, cela signifie que l'on n'a plus que 5 à 10% des cellules à insuline encore intactes les premiers mois, commente le Dr Hartemann. Au bout d'un an, il n'y en a plus. Il faudrait pouvoir intervenir avant le diagnostic et identifier quel enfant est en train de couver la maladie." 

A l'heure actuelle, on dispose d'un outil : les anticorps anti-GAD qui apparaissent quelques années avant l'apparition du diabète. Mais il n'est pas possible selon la diabétologue de procéder à ce dépistage sur tous les enfants : il faudrait le refaire au bout de trois ans, et surtout il n'existe pas de traitement préventif pour éviter l'apparition du diabète. Il n'y a donc aucun intérêt à dépister une maladie que l'on ne sait pas prévenir…

L'immunothérapie avec l'interleukine 2

L'immunothérapie soulève de nombreux espoirs. L'une des pistes de recherche consiste à préserver 5 à 10% du pancréas : "c'est insuffisant pour guérir, mais suffisant pour que la maladie soit plus simple à gérer au quotidien, détaille le Dr Hartemann. Les injections d'insuline sont toujours nécessaires, mais il y a beaucoup moins d'aléas comme des hypoglycémies et des hyperglycémies." Alors qu'une dizaine d'essais sur d'autres molécules ont déjà échoué, l'interleukine 2 semble se détacher. Cette protéine de l'immunité est sécrétée par le corps en grande quantité lorsqu'il se défend contre les germes, puis diminue.

"On a constaté que si l'on injectait une toute petite dose d'interleukine 2 à des souris diabétiques, elles guérissaient", raconte la diabétologue. L'équipe du Pr Klatzmann, qui travaille à la Pitié-Salpêtrière, a décortiqué le phénomène : "ces petites doses boostent les globules blancs protecteurs, les T régulateurs".

Après un premier essai sur l'homme, qui a testé trois doses, un essai multicentrique a été débuté en juillet 2015 chez des personnes qui viennent d'être diagnostiquées diabétiques. Le protocole consiste à injecter l'interleukine tous les jours pendant cinq jours, puis tous les quinze jours pendant un an, dans le but de préserver le pool. Selon le médecin, il est trop tôt pour dire si l'essai est prometteur ou pas.

La régénération des cellules productrices d'insuline

Autre piste étudiée par une équipe de l'Inserm, dirigée par Patrick Collombat, de l'Université de Nice : la régénération des cellules qui produisent l'insuline, les fameuses cellules béta.

"Pendant très longtemps, on pensait qu'il était impossible de régénérer les cellules qui produisent l'insuline, relate le Dr Hartemann. Des chercheurs ont montré que c'était possible chez la souris et chez les femmes diabétiques pendant la grossesse. En effet, il y a des facteurs protecteurs à cette période : certaines femmes enceintes diabétiques sécrètent à nouveau de l'insuline car la réaction auto-immune détruisant les cellules béta est apaisée par la grossesse. C'est donc la preuve que l'on peut fabriquer de nouvelles cellules à insuline, mais dès l'accouchement, où la réaction auto-immune reprend le dessus, elles perdent cette capacité".

Dans ce but, des équipes travaillent sur les cellules souches pour les différencier en cellules à insuline (voir le second paragraphe). Mais si l'on réussit et qu'on réinjecte les cellules à insuline, la réaction auto-immune aura toujours lieu et détruira les cellules. Il faut donc trouver en parallèle un moyen de les protéger de l'auto-immunité, soit avec de l'immunothérapie comme l'IL 2 soit avec une autre voie de recherche, les capsules, dans lesquelles on mettrait les cellules à insuline. "On les injecterait aux patients et elles seraient protégées par la capsule, détaille-t-elle", mais c'est compliqué à mettre en place puisque les cellules ont besoin de beaucoup d'O2 et que la mise en capsule perturbe l'oxygénation…"

Le pancréas artificiel

Le pancréas artificiel est un moyen mécanique de pallier le manque d'insuline : une pompe à insuline est mise en phase avec un capteur de glycémie et avec un logiciel qui indiquerait minute par minute combien libérer d'insuline… "Une équipe de Montpellier la teste chez quelques patients volontaires à l'extérieur de l'hôpital, détaille la diabétologue. Mais il est difficile de mettre au point le logiciel qui analyse les fluctuations d'insuline, tout comme de le miniaturiser…"

La greffe des cellules d'îlots de Langerhans productrices d'insuline

Cette greffe permet de libérer de l’insuline dans le sang et elle existe depuis longtemps. Elle nécessite deux à trois pancréas de donneurs et surtout les patients greffés doivent prendre un traitement antirejet qui est très lourd (plus lourd et dangereux que l'insuline). "C'est une grosse limite, commente le Dr Hartmann. Elle est proposée aux patients diabétiques qui ont eu une greffe de reins et prennent déjà des anti-rejets, ou à ceux qui font des comas hypoglycémiques à répétition et mettent leur vie en danger, mais c'est rare…"

Un vaccin contre le diabète ?

Le vaccin fait partie de l'immunothérapie : le passage d'un essai clinique sur le vaccin BCG en phase 2 a été annoncée lors du congrès de l’Association Américaine contre le Diabète (ADA) en juin 2015. Ce vaccin, initialement destiné à prévenir la tuberculose, augmente la production d’une substance, la TNF (Tumor necrosis factor), qui neutralise l’action des anticorps lymphocytes T détruisant les cellules du pancréas qui produisent l’insuline. La phase 1 n'a concerné que 6 patients (3 ont reçu le vaccin et 2 ont vu la production d'insuline s'améliorer). La phase 2 concernera 150 patients. Durant 5 ans, dans le meilleur des cas, si le vaccin confirme les espoirs, il ne sera commercialisé que dans une dizaine d'années.

La génétique au cœur de la recherche

Philippe Froguel est généticien au CHU de Lille. Il travaille sur la médecine personnalisée des diabètes, qui représente selon lui l'avenir de la prise en charge, et développe des moyens pour traiter les diabétiques différemment les uns des autres. "Actuellement on traite le taux de sucre des 400 millions de diabétiques dans le monde, or pour caricaturer, il y a 400 millions de sortes de diabètes !  On devrait traiter les gens en fonction de la cause", estime-t-il.

Car dans 5% des cas, le diabète est dit "monogénétique" et assimilé à une maladie génétique. "Ils ont un gène important pour la production d'insuline qui ne fonctionne pas", explique-t-il. Dans les années 2000, deux équipes ont découvert que certains diabétiques souffraient d'anomalies génétiques du transporteur de potassium, une forme de diabète qui ne répond pas bien à l'insuline. Des médicaments appelés sulfamides hypoglycémiants, habituellement prescrits dans le diabète de type 2, le soignent parfaitement et font disparaître les symptômes. Les patients ont pu abandonner les injections d'insuline au profit des comprimés : "ils ont permis de supprimer l'insuline à des gens qui étaient soignés sans effet ou avec des complications. Ils "guérissent" le diabète, à condition de les prendre bien sûr ! s'enthousiasme Philippe Froguel."

Encore faut-il savoir que ces patients souffrent de cette forme précise de diabète et le savoir suffisamment tôt pour que les médicaments soient efficaces… Et c'est là que les généticiens entrent en scène : "on a donc mis au point  un test génétique qui permet de déterminer si le diabète est sensible aux sulfamides". Aujourd'hui, une simple prise de sang avec "séquençage" permet de tester les 23 gènes qui interviennent dans le diabète monogénétique. "Nous sommes capables de proposer pour la majorité de ces diabètes monogéniques un traitement personnalisé grâce à la médecine génomique, estime-t-il. Ce n'est pas réalisé dans tous les pays ni tous les hôpitaux (en France, les tests sont faits à la Pitié-Salpétrière et au CHU de Lille, où tous les gènes sont testés)…"

Le généticien relativise ces propos en estimant que les formes monogéniques ne représentent que 5% des diabètes, mais "il est important de faire le diagnostic pour mieux les traiter "!

Et pour les 95% de diabètes non monogénétiques ?

Selon lui, en ce qui concerne les autres diabétiques de type 1, il existe des facteurs génétiques, mais hélas la connaissance de la génétique n'est pas très utile puisque l'environnement joue un rôle très important. "On avance tout de même vers une vraie médecine personnalisée, une médecine de précision où l'on ne traite pas tout le monde pareil. Les chercheurs essaient de prévoir les complications avec la génétique. Un diabétique sur trois aura un problème rénal par exemple et les complications cardio-vasculaires sont très fréquentes", développe Philippe Froguel.

Ce qui, à terme, aidera à prévoir les formes les plus graves.

D'après le généticien, à l'avenir, les génomes des diabétiques seront séquencés pour identifier la cause du diabète puis les cellules sanguines du patient seront prélevées, transformées en cellules souches puis en cellules secrétant de l'insuline. On testera ensuite directement sur elles les médicaments, pour évaluer l'efficacité et anticiper les effets secondaires. Le traitement sera vraiment personnalisé.

"On travaille donc beaucoup sur les cellules souches pour les transformer en cellules produisant de l'insuline et les transformer en médicaments, estime le généticien. Mais c'est très compliqué puisque l'on ne peut pas étudier le pancréas directement.

Dans un Allô docteurs datant du 25 mai 2015, le Pr Marc Peschanski, neurobiologiste à l'Inserm, explique qu'une équipe étasunienne a implanté des cellules provenant de cellules souches embryonnaires, qu'ils avaient différenciées et spécialisées en cellules bêta du pancréas, donc productrices d'insuline. "Ces cellules ont été placées dans un tube poreux qui empêche les cellules immunitaires (celles du receveur) de rentrer, et d'attaquer les cellules du donneur. Mais il y a des pores qui permettent la libération de l'insuline et l'entrée du sucre, de l'oxygène… Le tube est ensuite implanté. Les chercheurs ont obtenu de très bons résultats chez la souris et ont annoncé à la fin de l'année 2014 la première implantation chez l'homme." Les résultats sont attendus avec impatience...

La flore intestinale impliquée dans le diabète

L'Inserm a publié en août une étude sur les cathélicidines, faisant partie du microbiote, l'ensemble des bactéries vivant dans notre organisme.

Ces peptides détruisent les bactéries pathogènes (qui provoquent des maladies) et régulent le système immunitaire dans certaines pathologies auto-immunes. Des souris manquant de cathélicidines souffraient davantage de diabète. Les chercheurs leur en ont injectées et ont constaté que cette injection pouvait réfréner l'inflammation du pancréas et réprimer le développement du diabète de type 1.

Le Dr Hartemann confirme cette hypothèse : "On se demande si la composition de la flore intestinale jouerait sur la qualité des globules blancs plutôt protecteurs que destructeurs". D'autres études sur l'action de certaines bactéries du microbiote, administrées en comprimés à des diabétiques, sont en cours.