Est-ce normal d'avoir ses règles pendant plus d'une semaine ?
Fréquence, durée du cycle, abondance… Les règles varient d’une personne à l’autre. Lorsqu'elles durent trop longtemps ou que les saignements sont trop importants, on parle de ménorragie. Explications avec la Dre Odile Bagot, gynécologue-obstétricienne.
Pas d’inquiétude, il n’existe pas de "règle" générale concernant les menstruations. En moyenne, les règles durent entre trois et six jours. Mais cette durée est différente pour chaque personne menstruée, en fonction de différents facteurs allant de l’âge au mode de vie, en passant par les moyens de contraception potentiellement utilisés.
Des règles tous les jours pendant un an
En septembre dernier, une Britannique de 43 ans témoignait dans le Daily Mail de son insupportable quotidien, gâché par ses règles longue durée. Un euphémisme, car il ne s’agissait pas seulement de saignements continus pendant une à deux semaines… Mais bien d’une année entière d’après elle.
Durant toute l’année 2020, "à l’exception de dix semaines au total", cette mère de famille a eu ses règles chaque jour. Au point de s'évanouir lorsque les pertes de sang devenaient trop importantes. Elle raconte qu'à l'hôpital, les médecins lui ont annoncé d’un ton désinvolte que sa perte de connaissance n’était due qu’à une simple ménorragie.
Mais à quoi correspondent réellement ces "ménorragies" et, surtout, comment apparaissent-elles ? La Dre Odile Bagot, gynécologue-obstétricienne, revient sur le trouble menstruel le plus répandu chez les personnes menstruées.
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C’est quoi la ménorragie ?
La ménorragie, aussi appelée hyperménorrhée, intervient lors d’une hémorragie utérine anormalement longue et abondante au cours de la période de menstruations. Chaque année, une femme sur 20 âgée de 30 à 49 ans consulte un médecin généraliste ou un gynécologue en raison de ce trouble menstruel.
On parle de ménorragie lorsque :
- Les règles sont trop longues (plus de 7 jours) ;
- Les règles sont trop abondantes (plus de 80 ml de sang par cycle) ;
- Les règles sont trop longues et trop abondantes à la fois.
"Il est important de définir ce que sont des règles normales, car personne n'ira calculer précisément la quantité de sang de ses menstruations", intervient Odile Bagot. "Certaines femmes auront le sentiment de beaucoup saigner sans pour autant s'inquiéter, alors que d'autres auront des règles moins abondantes, mais suffisantes pour commencer à ressentir des douleurs. Ces différences dépendent notamment du profil et du physique de chaque patiente."
Une échelle, appelée "score de Higham", existe toutefois pour permettre au médecin traitant ou au gynécologue de calculer le flux des règles. Mais ce score, qui repose sur l'auto-évaluation quotidienne du flux des menstruations, des serviettes ou tampons utilisés et des potentiels caillots, "représente une contrainte de plus, notamment pour les femmes actives, qui ne notent pas forcément scrupuleusement chaque nouveau tampon utilisé au cours de la journée", déplore la gynécologue. Une méthode qui exclut également de facto l'utilisation de cups ou de culottes menstruelles, car ces protections hygiéniques ne permettent pas d'évaluer la quantité de sang perdue.
Selon la Dre Bagot, "le confort de la femme est primordial" lorsque l'on parle de menstruations. Comprendre qu'il faut surtout que les règles ne soient ni trop douloureuses, ni handicapantes dans la vie quotidienne. Dans le cas contraire, une visite chez son médecin traitant ou son gynécologue s'impose, et une prise de sang pourra être effectuée pour prévenir toute complication potentielle.
Quelles sont les causes des règles longues ?
Il existe plusieurs facteurs de risque à l’apparition de ménorragies :
La puberté ou la transition ménopausique
Ces périodes de la vie menstruelle induisent des dérèglements hormonaux importants, et peuvent provoquer des variations dans le volume de pertes lors des périodes de menstruation. Lorsque les saignements surviennent avant la puberté, après la ménopause, mais également chez les personnes non menstruées ou entre les règles, on parle plutôt de métrorragies.
Outre ces périodes, les ménorragies fonctionnelles, qui ne sont pas causées par une pathologie, restent "les causes les plus fréquentes de consultation pour des règles longues et abondantes", souligne la Dre Bagot. "L'endomètre, la muqueuse utérine, de certaines patientes se développent souvent de manière trop importante en deuxième partie de cycle. Les pertes sanguines sont alors plus importantes et plus longues."
La pose d’un stérilet en cuivre
Le dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre, plus connu sous l'appellation de stérilet en cuivre, a la réputation de provoquer des règles plus longues, plus abondantes et plus douloureuses. "C'est effectivement le cas !", confirme Odile Bagot. "Le stérilet en cuivre n'est initialement pas recommandé pour les femmes souffrant de règles douloureuses et abondantes ou d'endométriose. Dès les premières menstruations après la pose, il peut favoriser les ménorragies."
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Certaines pathologies
Passé la quarantaine, les principales causes de ménorragies sont les fibromes utérins, des tumeurs bénignes qui se développent à l'intérieur de l'utérus. Ils peuvent se former sur la paroi de l'utérus ou dans la cavité utérine. Dans ce cas, il s'agit d'un fibrome sous-muqueux. Même de petite taille, cette tumeur entraîne des règles plus longues et plus abondantes.
D'autres anomalies autour d'un endomètre dysfonctionnel, comme les polypes, peuvent également causer des saignements irréguliers durant les règles. Les effets secondaires d'autres pathologies, comme l'endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), incluent également des ménorragies.
Enfin, la prise de certains médicaments, comme l’aspirine ou les antidépresseurs, va également avoir une influence sur la durée du cycle menstruel. Utilisés dans le traitement de troubles de la coagulation, comme la maladie de Willebrand, une maladie génétique hépatique, les anticoagulants vont aussi favoriser les saignements et donc entraîner un flux plus important et plus long.
Quelles sont les complications des règles longues ?
Maux de tête, nausées, perte de conscience... Ces symptômes sont surement causés par des règles abondantes ou qui durent dans le temps. Car notre sang contient du fer. En perdre en trop grande quantité entraîne donc un manque d'hémoglobine et une carence : c'est l'anémie.
"Le principal risque pour les femmes souffrant de règles longues et abondantes reste l'anémie", indique le Dr Odile Bagot. "Pour savoir si la patiente est concernée par une carence en fer, il faut réaliser une prise de sang dès les premiers symptômes. En règle générale, c'est cette prise de sang qui viendra confirmer le diagnostic de ménorragie, étant donné que les méthodes d'auto-évaluation sont bien moins fiables."
Les ménorragies sont également parfois accompagnées de fortes douleurs abdominales : les crampes menstruelles, qui peuvent durer tout au long de la période de règles.
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Comment traiter les règles longues ?
Le traitement médicamenteux
"Certains médicaments permettent de ralentir les saignements", indique le Dr Odile Bagot. "On donne par exemple aux patientes de l'acide tranexamique, commercialisé sous le nom d'Exacyl en France." Un traitement symptomatiques qui comprend également la prise d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS), comme l'ibuprofène. Ces traitements permettent de réduire les ménorragies fonctionnelles qui ne sont pas liées à une pathologie.
La prise de médicaments peut également être combinée à un apport en fer pour freiner l'anémie.
Le traitement hormonal
Un traitement hormonal par voie orale peut également être proposé aux patientes souffrant de règles longue durée. "La prise d'une pilule contraceptive classique diminue l'abondance et la durée des règles", précise Odile Bagot. "Dans certains cas, les règles sont même tout bonnement supprimées."
Pour remplacer le stérilet au cuivre, encore trop largement utilisé, la gynécologue-obstétricienne conseille plutôt de privilégier "le stérilet hormonal qui diffuse de la progestérone localement et possède une indication officielle pour traiter les ménorragies". Besoin de raisons supplémentaires pour choisir le stérilet à la progestérone ? "Moins de règles et trois fois moins de risques de tomber enceinte avec ce moyen de contraception", souligne la Dre Odile Bagot.
La chirurgie
Lorsque les ménorragies sont trop importantes et qu'elles résistent aux traitements proposés, une intervention chirurgicale peut être envisagée. "Cela reste cependant de plus en plus rare", prévient la gynécologue.
L’opération peut alors consister en une ablation de l’endomètre (endomètrectomie) pour réduire l'abondance des saignements. Une intervention qui consiste à gratter l'intérieur de l'utérus avec une curette pour "décaper" la muqueuse, mais qui affecte la fécondité et ne peut donc pas être proposée aux femmes exprimant un désir de grossesse.
Une hystérectomie, soit le retrait de l'utérus, peut être indiquée dans les cas de ménorragies les plus graves.