Harcèlement scolaire : le cauchemar des élèves souffre-douleur
Le harcèlement scolaire se caractérise par l'usage répété de la violence physique, de moqueries et autres humiliations entre élèves. Et les conséquences de ce harcèlement peuvent parfois être dramatiques. Un collégien de 13 ans s'est ainsi suicidé vendredi 8 février 2013 à cause des difficultés qu'il rencontrait avec d'autres adolescents de son collège. Qui sont les victimes de harcèlement scolaire ? Quel est le mécanisme du harcèlement ? Comment réagir en cas de harcèlement en milieu scolaire ? Les explications avec Carole Damiani, psychologue.
- Qu'appelle-t-on "harcèlement en milieu scolaire" ?
Carole Damiani, psychologue : "Ce sont des conduites agressives répétitives de nature psychologique, physique et sexuelle. Ces pratiques visent à blesser intentionnellement dans une relation dominant/dominé."
- Qui sont les victimes de harcèlement scolaire ?
Carole Damiani : "Les victimes de harcèlement scolaire peuvent être :
- Des enfants "différents" : par une caractéristique physique (couleur de cheveux, de peau, taille, poids…), par un niveau scolaire qui se démarque (très bon ou très mauvais), par l'appartenance à une minorité (un nom particulier, un look, un handicap)
- Des enfants isolés : sans copains, sans soutien... Ils sont souvent plus fragiles que d'autres, sans défense et "résignés" face au harcèlement.
- Des enfants de tout âge, dès la maternelle, mais surtout aux moments charnières (Sixième, Seconde…)
- Où se passe le harcèlement ?
Carole Damiani : "Généralement, le harcèlement se passe dans les endroits où ne vont pas les adultes : les toilettes, les coins..."
- Quel est le mécanisme du harcèlement ?
Carole Damiani : "Cela se passe à trois : le harceleur, les harcelés, les spectateurs... Le harcèlement est visible et connu par les autres élèves, mais invisible et inconnu par les adultes... Complicité des autres élèves, complicité inconsciente parfois des enseignants (le harceleur est souvent le rigolo de la classe) alors que la victime est considérée comme le "looser".
"Harceleur et harcelé sont aussi vulnérables psychiquement, mais n'ont pas les mêmes positions. La victime est souvent résignée et ne parle pas, le harceleur n'a pas l'intention de renoncer à ses bénéfices qui réparent son narcissisme fragile. Il tourne tout en dérision et n'a aucune empathie pour la victime. Le seul levier : les spectateurs. Il n'y a pas de harcèlement sans spectateurs."
- Quelles sont les conséquences psychologiques ?
Carole Damiani : "Pour le harceleur, le sentiment d'impunité le conforte, il prend du plaisir à faire mal d'autant plus s'il est soutenu par ses pairs...
"Pour le harcelé, les conséquences du harcèlement sont les troubles anxio-dépressifs, aggravation de l'isolement, le décrochage scolaire, sentiment d'abandon…"
- Que conseillez-vous aux parents dont l'enfant pourrait être victime de harcèlement ?
Carole Damiani : "Il faut arrêter le harcèlement. L'arrêt du harcèlement est la condition sine qua none. Le soutien psychologique ne marchera jamais si on n'arrête pas le harcèlement. Les parents doivent aller voir le directeur de l'établissement scolaire et si cela n'est pas efficace, les parents peuvent contacter le rectorat. Ils peuvent aussi être soutenus par une association d'aide aux victimes. Mais il faut impérativement que le harcèlement s'arrête."
- Peut-on prévenir le harcèlement scolaire ?
Carole Damiani : "Que ce soit à l'école ou à la maison, il faut repérer les enfants isolés, qui sont souvent punis à la place des autres, qui sont tristes... Il ne sert à rien de faire un seul rappel à l'ordre et s'en tenir là. Il faut maintenir la vigilance toute l'année.
"À l'association Paris Aide aux Victimes, nous mettons en place des dispositifs de prévention dans les écoles dès la maternelle. Nous impliquons les enseignants, les parents d'élèves et les élèves toute l'année. Après une information, nous invitons les élèves à travailler avec les enseignants autour de thématiques telles que :
- La loi du silence (mafieux) : être complice (il ne faut pas "rapporter") VS la loi sociale (dénoncer pour protéger et aider)
- Être faible / être fort (être fort, c'est aussi avoir le courage de parler)
- Le rire, l'empathie…"
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Ailleurs sur le web :
Dans les médias :
- Le Monde.fr
- "Le tabou des souffre-douleur", par Martine Laronche, le 11 décembre 2007