"Il existe un vrai amalgame entre le haut potentiel et la souffrance"
Les adultes à haut potentiel sont des personnes identifiées surdouées tardivement. Ce type de profil psychologique fascine, et reste la source de nombreux fantasmes.
"J’étais dans une grande souffrance. Aujourd’hui, je suis un peu apaisée, car je sais ce que j’ai." Sylvie a 52 ans. Il y a six mois, elle a été identifiée comme adulte surdouée par sa psychologue. Un verdict salvateur pour cette quinquagénaire, qui s’était toujours sentie "en décalage". Comme d’autres adultes à haut potentiel – ou "zèbres" [1] – Sylvie a toujours fait un effort d’adaptation pour dialoguer avec les personnes qui l’entourent. "Certains zèbres ont les moyens de déployer leur personnalité et ont une ligne de vie satisfaisante. Pour d’autres, leur grande sensibilité crée des accrocs" explique la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, spécialiste du sujet.
Ne pas parler de "diagnostic", mais d’"identification"
Pour être identifié "à haut potentiel" (HP), il faut consulter un psychologue, seul professionnel de santé habilité à procéder aux examens adéquats. Un test de QI [2] est passé en complément d’une épreuve de personnalité, destinée à comprendre la dynamique émotionnelle et affective du patient. Dans son livre Les Adultes surdoués, le Dr Gabriel Wahl, pédopsychiatre spécialiste des enfants à haut potentiel, recense 20 traits de caractère fréquemment cités par les adultes identifiés HP. Parmi eux, "une grande curiosité intellectuelle, une grande aisance dans l’expression écrite ou orale, une détestation de simplification des choses complexes, et une aisance à manier l’humour, l’ironie et le second degré".
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Le problème de ce genre de listes, comme le reconnaissent les deux spécialistes, c’est que nombre de personnes peuvent s’y retrouver, sans pour autant être surdouées. "Ca a envahi les réseaux sociaux, les blogs… Beaucoup « s’auto-diagnostiquent » à cause de biais de confirmation" déplore Jeanne Siaud-Facchin. Il ne faut d’ailleurs pas parler de "diagnostic", mais d’"identification", affirme la psychologue. "Ce n’est pas un problème, c’est une chance !" développe le Dr Wahl. Derrière cette notion de diagnostic en effet, on retrouve l’idée selon laquelle un adulte HP est nécessairement malade, et donc en souffrance. "C’est un mythe : dans tous les domaines, ils vont mieux, y compris en psychiatrie", affirme le Dr Wahl.
Tous les adultes HP ne souffrent pas de troubles anxieux
Même si elle reconnaît que de nombreux zèbres vivent très heureux, Jeanne Siaud-Facchin nuance tout de même les propos du psychiatre. Car pour elle, considérer que les hauts potentiels vont bien de manière globale sans chercher plus loin est également une erreur. "Ils ne développent pas leurs troubles anxieux à cause de leur surdon, mais il est nécessaire de savoir comment fonctionne le surdon pour comprendre leurs troubles anxieux, car il leur donne une coloration différente. Si vous ne connaissez pas les particularités des adultes surdoués, vous allez les mettre dans la mauvaise case", avertit-elle. Chez ces adultes en particulier, le trouble anxieux est en effet souvent associé à un besoin de sens constant, qu’on ne retrouve pas dans le trouble anxieux commun.
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Plus globalement, de nombreux adultes HP souffrant de troubles anxieux ont du mal avec la vie en entreprise, ce qui renforce leur mal-être. "Ils veulent faire avancer les choses, et pas seulement pour eux, mais pour le bien de l’entreprise. Ils ont beaucoup de mal avec les ordres et la hiérarchie. Ils sont parfois considérés comme des emmerdeurs" résume la psychologue. Aussi réfute-t-elle le discours selon lequel les surdoués "réussissent" très fréquemment dans la vie. "Réussir académiquement ou professionnellement, c’est la partie émergée de l’iceberg. J’ai vu beaucoup de personnes à haut potentiel qui cochent toutes ces cases, mais qui sont persuadées d’être une imposture" ajoute-elle.
"Ils sont du pain béni pour les entreprises !"
Selon elle, donc, si aucune relation de causalité n’a été établie entre surdon et troubles psychiques, les adultes HP qui en souffrent ont besoin d’une prise en charge spécifique. Pour les autres zèbres, le surdon reste une chance. "Ils ont une pensée divergente. Chez eux, l’association d’idées est extrêmement rapide. C’est du pain béni pour les entreprises !" affirme la psychologue. Mais en France, les préjugés ont la dent dure. En témoigne l’étymologie même du mot surdoué, qui implique une idée de trop-plein, et a une connotation négative. Ne devrions-nous pas, finalement et comme nos voisins britanniques, lui préférer le terme de "gifted", qui signifie simplement doué ?
[1] Le terme de zèbre, considéré comme moins connoté que "surdoué", a été pensé par la psychologue Jeanne Siaud-Facchin. Il est aujourd'hui largement repris.
[2] Sont considérés comme surdoués les patients dont le QI dépasse 130.