La première pilule anti-Covid accusée d'accélérer les mutations du virus
Publiée dans la revue scientifique Nature, une étude révèle que le molnupiravir, traitement anti-Covid développé par l’entreprise pharmaceutique Merck en 2021, contribuerait à faire émerger des mutations du virus.
"Le traitement au molnupiravir a laissé une trace visible dans les bases de données mondiales de séquençage" du génome du virus, conclut une étude publiée lundi dans la revue Nature. En effet, la pilule anti-Covid du géant pharmaceutique Merck contribuerait à faire émerger des mutations du virus, avec un risque qui reste pour l'heure théorique.
La première pilule anti-Covid
Mise sur le marché en 2021, la première pilule anti-Covid représentait une avancée notable pour un arsenal pharmaceutique qui n'était jusqu'alors composé que de vaccins et de traitements nécessitant une administration complexe par intraveineuse.
Mais le molnupiravir, vendu sous le nom Lagevrio, a vite fait l'objet de critiques. Celles-ci ont en partie visé son efficacité limitée, notamment par rapport à son grand concurrent, le Paxlovid de Pfizer, qui l'a rapidement rejoint sur le marché.
Un risque déjà connu
C’est surtout son mode d'action qui a provoqué de vives réticences. Contrairement à d'autres antiviraux, comme le Paxlovid, le Lagevrio agit en s'intégrant directement au génome du virus. L'objectif est de déclencher une série de mutations de plus en plus désordonnées qui aboutissent à terme à l'extinction du virus dans l'organisme. Mais des chercheurs ont, dès son lancement, estimé que ce mécanisme risquait de favoriser l'apparition de virus mutants et transmissibles d'un individu à l'autre.
Ce risque avait contribué à une certaine frilosité des autorités sanitaires comme la FDA américaine qui n'avait approuvé le molnupiravir qu'à une faible majorité, ou la Haute Autorité de Santé (HAS) française, qui l'a carrément écarté.
L'usage du molnupiravir lié à l’apparition de mutations spécifiques
Les chercheurs ont étudié une vaste base de données, dite Gisaid, qui rassemble les génomes des virus recueillis chez de nombreux patients à travers le monde. Pour eux, la conclusion est sans appel : l'usage du molnupiravir est associé à l'apparition de mutations spécifiques.
Ils ont constaté l'apparition d'une "signature" spécifique au moment où la pilule avait commencé à être prescrite dans certains pays. Par contraste, elle est presque absente des endroits où le traitement n'était pas approuvé.
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Les mutations ne semblent pas dangereuses
Les auteurs de l’étude insistent sur un point : les mutations repérées ne semblent pas, en elles-mêmes, avoir été particulièrement dangereuses ou contagieuses. "Mais ces résultats ont des implications importantes pour la suite de la pandémie", prévient le virologue Stephen Griffin auprès du Science Media Center (SMC) britannique.
En effet, tout phénomène qui accélère les mutations du virus fait courir à terme le risque de faire naître des variants plus dangereux ou, comme l'avait été Omicron à son apparition, nettement plus transmissibles que ses prédécesseurs.
Merck rejette les conclusions des chercheurs
En résumé, ce traitement "peut donner naissance à des virus qui ont muté de façon notable et qui restent viables, voire dans certains cas transmissibles", a expliqué à l'AFP l'un des auteurs, le généticien Theo Sanderson.
Ces conclusions ont été rejetées par Merck. Selon le laboratoire américain, l'étude ne met en avant qu'une corrélation sans permettre d'affirmer un lien de cause à effet entre son traitement et ces mutations. Les auteurs se basent sur des "associations circonstancielles", a déclaré le groupe auprès de l'AFP.
Pas d'interdiction pour le moment
Les auteurs de l'étude ne précisent pas s’il faut cesser de prescrire du molnupiravir, et renvoient les autorités sanitaires à leurs responsabilités. Pour certains chercheurs, si ces résultats rappellent la nécessité de ne pas prescrire du molnupiravir à tour de bras, il ne faut pas y renoncer purement et simplement. La pilule reste encore largement prescrite dans certains pays, notamment en voie de développement.
"Bien sûr, il ne faut pas systématiquement prendre du molnupiravir quand on est infecté" au coronavirus, conclut l'infectiologue Chris Butler auprès du SMC. "Mais dans certains cas difficiles, c'est un médicament qui peut être très utile".