Troubles bipolaires : "Bonheur et bipolarité peuvent fonctionner ensemble"
Hélène Pérignon, 45 ans, nous livre un témoignage plein d'espoir sur sa maladie bi-polaire. Si le diagnostic n'a pas été facile à accepter, elle partage aujourd'hui ses doutes, son expérience et ses émotions dans un livre. Son but : briser le tabou autour de cette maladie qui touche près d'1% de la population.
- Comment avez-vous réagit quand les médecins vous ont appris que vous étiez bipolaire ?
Hélène Pérignon : J'en garde un très mauvais souvenir. Même si on n'est jamais préparé à ce genre de diagnostic, ce n'était pas vraiment une surprise sachant que ma mère avait, elle aussi, été bipolaire. La crainte était là depuis longtemps. Sur le coup, je n'ai pas accepté le diagnostic, je l'ai rejeté. J'ai alors fait face à beaucoup de désespoir mais j'ai eu la chance d'avoir un époux très présent.
- A t-il été facile pour vous de vous mettre sous traitement ?
H. P. : Je prends uniquement du lithium, à faible dose. J'avais peur au début de prendre ce médicament, par crainte d'effets secondaires ou qu'il annihile mon élan créatif, ma vitalité. Mon médecin m'a rassuré et j'ai donc décidé d'essayer, mais j'attendais de voir. Et tout s'est bien passé. Mais trois ans après avoir commencé le traitement j'ai refait une crise. Sur le coup ça a été très difficile d'accepter que je n'étais pas guérie. Mais il faut savoir que ce traitement n'évite pas le risque de récidive, il espace juste les crises.
- La bipolarité, autrefois appelée maniaco-dépression, se caractérise notamment par des changements d'humeurs importants. A quelles fréquences surviennent ces basculements?
H.P. : Le plus souvent, la bipolarité se manifeste par une courte phase euphorique (aussi appelée maniaque ndlr) suivie d'une dépression beaucoup plus longue. Et plus l'euphorie va être importante, plus la dépression va être dure et compliquée. La phase euphorique est la plus impressionnante, mais finalement c'est la dépression qui est le plus dure à soigner. L'euphorie peut durer quelques jours à quelques semaines grand maximum, la dépression, elle, dure plusieurs mois.
- Quels sont les premiers signes avant coureur d'une crise ?
H.P. : L'un des premiers signaux qui m'alerte est l'insomnie. Le manque de sommeil est un facteur fort : dès que je ne dors pas pendant deux nuits consécutives je sais qu'une crise va arriver. Ensuite je commence à me sentir super bien, pleine de projets. Je perds la notion du temps. Par exemple je pense partir une heure en promenade, mais finalement je pars cinq heures, sans prévenir personne. Quand je suis dans une crise je ne fais pas vraiment attention, même s'il y a quand même des signes qui me font dire que ce n'est pas normal. Et mon entourage m'alerte aussi. Dans ces moments, il y a des hauts et des bas : parfois ça va mieux, puis ça repart. Lorsque ces premiers signes surgissent, la crise devient de plus en plus difficile à enrayer.
"ll n'y a pas à avoir honte d'être bipolaire"
- Est-ce compliqué de parler de sa bipolarité à son entourage ?
H.P. : Avant d'écrire le livre (1), j'étais assez secrète, je voulais mettre mes distances avec la maladie. Un jour j'ai décidé d'en informer les ressources humaines de mon entreprise et l'équipe avec laquelle je travaille. Je trouvais ça plus clair et finalement ça ne m'a pas porté préjudice. Je suis contente maintenant de pouvoir en parler car la maladie est lourde à porter seule. La sortie du livre a aussi été l'occasion de parler de ma maladie avec mes amis, ça a vraiment été positif.
- Quels conseils donneriez-vous à une personne qui vient d'être diagnostiquée bipolaire ?
H.P. : Quand le diagnostic tombe, on a souvent tendance à se rebeller, à en vouloir à la Terre entière ou à penser que les médecins doivent se tromper… Il ne faut pas simuler ou atténuer les symptômes devant son médecin car baisser les doses de son traitement ne fera qu'empirer les crises. Une crise non traitée en entraine une autre. Plus on est diagnostiqué tôt et plus on peut être stabilisé vite, et aspirer à une vie presque normale. Le deuxième conseil est de se faire suivre régulièrement par un médecin et d'aller consulter dès que ça va mal.
- Au quotidien, avez-vous une hygiène de vie particulière ?
H.P. : Avoir une bonne hygiène de vie est très important. Il faut bien dormir, éviter les excès de drogues ou d'alcool, avoir un rythme de vie bien cadré et organisé et se ménager sur plan affectif. C'est compliqué d'adapter son mode de vie à la maladie, surtout que le diagnostic tombe en général entre 20 et 30 ans, une période où l'on n'a pas forcément envie d'être dans la mesure. Il est important de connaître ses limites pour pouvoir réagir au plus vite.
- Avez-vous déjà souffert du regard des autres ?
H.P. : Je crois que j'avais plus honte d'avouer que ma mère était bipolaire que de dire que je le suis moi-même. Sans doute une question d'époque et la difficulté surtout, pour un enfant, d'afficher que sa mère a une faiblesse, n'est pas comme toutes les autres… Et il y a aussi la peur que sa maladie ne soit pas comprise, d'être montrée du doigt, mal considérée. Même si souvent on préfère que ça ne se sache pas trop, il n'y a pas à avoir honte d'être bipolaire !
Hélène Péginon, 45 ans, vit à Toulouse. Passionnée de livre, elle est éditrice depuis 20 ans
"Je veux montrer à tous les malades qui sont découragés que c'est possible"
- Pensez-vous que les mentalités ont évolués concernant les troubles bipolaires ?
H.P. : Les maladies mentales font toujours peur, mais les mentalités ont bien changées. Les gens comprennent mieux la maladie qu'il y a trente ans. A l'époque, les bipolaires étaient hospitalisés à chaque crise, ils devaient se faire interner par un proche dans des secteurs fermés, où les malades subissaient des "cures de sommeil" qui consistaient à les faire dormir toute la journée à l'aide de sédatifs. Néanmoins, la bipolarité reste toujours une maladie mystérieuse pour la plupart des gens, surtout parce qu'on ne connaît pas bien les mécanismes biologiques.
- Pourquoi vouloir partager votre histoire dans un livre ?
H.P. : J'ai eu peur à la sortie du livre, car mon nom allait être rendu public, mais il fallait absolument que je brise le tabou. J'ai fait du chemin pour accepter ma maladie et grâce à ce livre j'espère que ça aidera peut être d'autres bipolaires à faire pareil. J'arrive à vivre très correctement avec la bipolarité et je veux montrer à tous les malades qui sont découragés, qui pensent parfois au suicide, que c'est possible. Je veux dire à tous les bipolaires "accrochez vous", "battez vous". Si tout le monde ose parler de la bipolarité, elle pourrait devenir presque banale !
- Finalement, bipolarité et bonheur sont-ils compatibles ?
H.P. : Quand on se sait bipolaire, on ne voit pas bien comment on peut être heureux dans sa vie. Mais c'est possible et j'en suis la preuve vivante. Entre chaque crise, il y a cette longue période où tout se passe bien. Bonheur et bipolarité peuvent fonctionner ensemble !
(1) « Je suis bipolaire mais le bonheur ne me fait pas peur », Hélène Pérignon, Hugo Doc, 17 euros.
Durant la phase maniaque, la personne est hyperactive, euphorique, a un sentiment exagéré d'estime de soi, elle est inhabituellement volubile, passe du rire aux larmes et fait beaucoup trop de projets. Elle peut aussi faire des dépenses inconsidérées ou faire preuve d'un comportement sexuel à risque.
Dans la phase dépressive, rien ne va plus. Tout se ralentit, la personne montre des signes de grande tristesse, elle n'a goût à rien, parfois elle veut mourir. Les formes les plus sévères sont qualifiées de mélancoliques. Parfois, au contraire, l'anxiété entraîne une agitation fébrile et une incapacité à rester en place. Elle a aussi des troubles de la concentration et de la mémoire. Le sommeil et l'appétit sont troublés et la libido s'effondre.
Entre les deux phases, la personne bipolaire retrouve un état presque normal que l'on appelle "euthymie".