Pollution de l'eau : ce qu'il faut savoir sur l'interdiction du S-métolachlore
L'usage du S-métolachlore, un désherbant classé comme cancérigène suspecté, sera bientôt interdit sur le territoire français, a tranché l'Anses. Des dérivés de cet herbicide ont récemment été identifiés dans l'eau potable.
Les principaux usages du S-métolachlore sont désormais interdits en France, selon une décision de l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) publiée le 20 avril. Des dérivés chimiques de ce puissant herbicide agricole ont été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines, soulevant l'inquiétude autour d'une contamination des eaux du robinet.
Métolachlore, dioxane et résidus d'explosifs
Ainsi, les analyses du laboratoire d’hydrologie de l’Anses menées pendant deux ans, entre 2020 et 2022, ont révélé que le métolachlore était présent dans plus de la moitié des 300 échantillons étudiés.
D'autres substances ont été identifiées dans les échantillons d'eau potable, notamment le 1,4-dioxane, une substance utilisée comme solvant, présent dans 8% des échantillons, principalement en Île-de-France et plus particulièrement dans le département des Yvelines. Cette molécule a été classée cancérogène possible pour l'humain.
Enfin, des résidus d’explosifs, comme des métabolites de TNT, ont été retrouvés dans près de 10% des échantillons d’eaux traitées.
Trois métabolites dans les eaux contrôlées
Concernant les métabolites de pesticides, le 15 février dernier, l'Anses avait annoncé vouloir interdire les principaux usages du S-métolachlore, "une des substances actives herbicides les plus utilisées en France" : après usage dans les champs, cette substance se dégrade en des dérivés chimiques, des "métabolites", qui se retrouvent dans les sols, les eaux de surface et eaux souterraines - et donc potentiellement dans l'eau potable.
Lors de récents "contrôles des eaux destinées à la consommation humaine, trois métabolites du S-métolachlore ont été fréquemment détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité" fixées par la législation européenne, a indiqué l'agence en février.
L'Anses avait expliqué qu'elle engageait en conséquence une "procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore", essentiellement commercialisés par Syngenta, le poids lourd allemand du secteur.
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Utiliser les stocks avant octobre 2024
Après le retrait d'une dizaine d'autorisations de mise sur le marché (AMM), la vente et la distribution de produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore restera autorisée jusqu'au 20 octobre 2023 et les stocks de ces produits, largement employés sur le maïs, le tournesol et le soja, pourront être utilisés jusqu'au 20 octobre 2024.
Le sort de cet herbicide avait suscité l'émotion dans le monde agricole, le syndicat majoritaire FNSEA réclamant son maintien "faute d'alternatives".
Fin mars, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau avait demandé à l'Anses "une réévaluation de sa décision", qui priverait les agriculteurs français de ce désherbant avant que l'interdiction ne soit généralisée dans l'ensemble de l'Union européenne.
Substance cancérigène "suspectée"
"Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d'une agence", avait réagi Marc Fesneau devant les agriculteurs et représentants de la FNSEA réunis en congrès à Angers (Maine-et-Loire).
"Il faut se baser sur la science pour évaluer avant de décider (...) mais l'Anses n'a pas vocation à décider de tout, tout le temps, en dehors du champ européen et sans jamais penser les conséquences pour nos filières", avait-il ajouté.
La charge a fait réagir de nombreuses ONG environnementales, mais aussi des élus, qui y voient une atteinte à l'indépendance de l'Anses et rappellent que le S-métolachlore est classé comme "substance cancérigène suspectée" par l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) depuis juin dernier.