Migrants mineurs : les examens osseux devant la Cour de cassation
Le caractère consitutionnel des examens osseux est remis en question par l'avocate d'un jeune Guinéen. La Cour de cassation doit décider ce 21 décembre si le dossier doit être transmis au Conseil constitutionnel.
La Cour de cassation s'est penchée ce 18 décembre sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la défense d'un jeune Guinéen, Adama S., qui avait assuré avoir 15 ans à son arrivée en France en 2016. Renvoyé vers le conseil départemental de l'Ain, il avait refusé de se soumettre à ces examens radiologiques censés permettre de déterminer son âge. Un juge des enfants en avait déduit en 2017 qu'il n'était pas mineur et avait levé son placement auprès de l'Aide sociale à l'enfance (ASE).
Le jeune homme avait fait appel en acceptant cette fois les tests osseux. En juillet, la cour d'appel de Lyon avait estimé son âge entre 20 et 30 ans et confirmé qu'il ne bénéficierait pas de l'ASE.
Des tests réputés peu fiables
Suite à cette décision, la défense a déposé une QPC visant l'article 388 du code civil. Celui-ci encadre depuis 2016 le recours à ces examens radiologiques – souvent de la main ou du poignet – pour déterminer l'âge d'un jeune. Son avocate, Isabelle Zribi, a souligné que le recours à ces tests non "fiables" "porte atteinte à la protection de l'enfance et au droit à la santé et à la dignité" des migrants mineurs.
Elle a notamment pointé "la très large marge d'erreur" de ces examens et le risque que cela induit : "priver des mineurs de la protection de l'Etat, les livrer à la rue" voire à la délinquance ou aux abus. La représentante du Défenseur des droits à l'audience a abondé dans ce sens.
Utilisés dans de nombreux pays européens pour déterminer l'âge des jeunes migrants lorsqu'un doute subsiste, les tests de maturité osseuse sont très critiqués depuis des années, notamment par les associations d'aide aux migrants et certains médecins et professionnels de la justice. En cause : leur caractère obsolète. En effet, ils sont basés sur des données statistiques collectées dans les années 1930-1940 sur une population américaine et bien portante. En outre, les résultats pour cette population était déjà associée à une importante marge d'erreur, d'au moins 18 mois pour les 16-18 ans – qui est précisément la tranche d'âge concernée par ce type de tests.
Le mauvais dossier pour mettre en débat une vraie question ?
Plusieurs organisations militent pour les remplacer totalement par d'autres techniques d'enquête, psychologiques, sociales et éducatives.
L'avocat général a quant à lui estimé que, si "la question mérite d'être posée", encore faut-il "choisir le bon dossier". Il s'est prononcé pour l'irrecevabilité de la demande du plaignant. Selon lui, la cour d'appel a conclu "sans ambiguïtés" à sa majorité. La loi de 2016 "encadre strictement" le recours à ces tests, a-t-il estimé, rappelant qu'elle stipule que "le doute profite à l'intéressé".
Selon les estimations officielles, le nombre de mineurs non-accompagnés pris en charge par les départements pourrait passer de 25.000 en 2017 à 40.000 cette année.
avec AFP