Une pétition pour sauver la Sécu
La Sécu est en danger, et ils comptent bien la préserver. C'est le message que veulent faire passer les désormais 2.000 signataires d'une pétition qui dénonce le programme de François Fillon. En particulier le risque de privatisation de l'Assurance-maladie.
"Pour la sécurité sociale". C'est le titre d'une pétition, comme une devise sur une banderole, signée par près de 2.000 personnes. Elle appelle les candidats à la présidentielle à "préserver le niveau actuel de remboursement des soins" par la sécurité sociale. Signée essentiellement par des médecins, dont Irène Frachon ou le Pr Grimaldi, engagés depuis longtemps dans la défense du système de santé français, mais aussi par des infirmières, des universitaires et d’autres personnalités publiques comme le philosophe Michel Onfray, ce texte dénonce le programme de François Fillon, et en particulier le risque de privatisation de l’Assurance-maladie.
Pour les signataires, la Sécu ne peut pas se contenter de rembourser les maladies graves et de longue durée, en laissant les autres soins à la charge des complémentaires santé, ce que préconise le candidat Les Républicains à l'élection présidentielle 2017.
Le Dr Anne Gervais, hépatologue à l'hôpital Bichat, à Paris, et signataire de la pétition, répond à nos questions :
- Dans une tribune publiée aujourd’hui dans Le Figaro, le candidat de la droite se défend de vouloir privatiser l’Assurance-maladie. Cela annule-t-il l’objet de la pétition ?
Dr Anne Gervais : "Je ne crois pas. Je pense que le débat sur l’Assurance-maladie au sens large doit prendre place dans le débat présidentiel. Qu’est-ce qu’on veut ? Est-ce qu’on veut une Sécu solidaire, ou est-ce qu’on préfère basculer des dépenses sur des assurances privées où chacun paierait pour soi. Ce qui me semble moins juste, moins équitable, moins égalitaire, et c’est un vrai problème pour un médecin."
- Le recul du candidat de la droite ce matin ne vous a donc pas rassurée…
Dr Anne Gervais : "Je crois que le débat dépasse Monsieur Fillon. On a entendu dans la décennie préalable Denis Kessler expliquer qu’il fallait revenir sur les acquis de 1945. C’est quelque chose qui traîne quasiment depuis la constitution de la Sécu. On dit que les dépenses publiques sont trop importantes, qu’il faut revenir sur la Sécurité sociale, que ce débat doit être au cœur de l’élection... Justement, parlons-en.
"La santé est, je le rappelle, un des droits de l’homme : article 22 et 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Est-ce que tout le monde a bien conscience que si on a tous accès à la santé, c’est grâce à une collectivisation du risque ? C’est horrible de dire collectivisation de nos jours, mais cela veut tout simplement dire que chacun paie pour tout le monde. Pas que pour soi. Il n’y a que comme ça que ça marche. Aux Etats-Unis, payer chacun pour soi a conduit une partie des ménages des classes moyennes à la faillite. 50% des faillites individuelles étaient liées à des maladies. Est-ce qu'on veut ça ?
- Donc on ne fait pas de différence entre une affection dite "grave", prise en charge par l’Assurance-maladie, et une affection "bénigne" prise en charge par les complémentaires santé, comme le suggérait François Fillon ?
Dr Anne Gervais : "Cela n'a aucun sens. Cela risque simplement de retarder l’accès aux soins et de génerer finalement des affections très graves. Médicalement parlant cela n’a aucun sens. Il faut d’abord avoir accès aux soins, puis savoir comment on couvre ces soins. Et le plus équitable, c’est que l’on puisse être remboursé en fonction de ses besoins, non de ses moyens, c’est bien ça le problème."
- Mais la Sécurité sociale va mal, on ne peut pas le nier. Quelles réformes seraient d’après vous acceptables ?
Dr Anne Gervais : "Je ne sais pas si la Sécurité sociale va mal. Quand on a un budget de plusieurs centaines de milliards et qu’on a trois milliards de déficit, tout est relatif. Néanmoins, il faut faire des efforts pour pas que ça augmente, je suis d’accord. Je pense que tout le monde se dit : on doit pouvoir mieux se coordonner, éviter des hospitalisations, être en ambulatoire...
"Oui, nous pouvons nous organiser. Tout le monde y travaille, en ville comme à l’hôpital. Mais il y a autre chose : l’innovation, par exemple. Elle semble coûter cher, mais parfois, elle coûte cher d’une façon qui n’est pas justifiable. Moi je suis hépatologue, je peux parler des médicaments de l’hépatite C. Un nouveau arrive sur le marché et il divise par deux le prix du précédent. La question c'est comment peut-on commercialiser des médicaments à un prix 100 fois, 200 fois parfois plus élevé que le prix de production ?"