Budget de la Sécu : la chasse aux actes médicaux inutiles est lancée

EN BREF - Analyses et IRM superflues, opérations injustifiées, actes redondants : la lutte contre le "gaspillage" des actes inutiles est un des grands axes du projet de budget de la Sécu, présenté ce 7 octobre en Conseil des ministres.

La rédaction d'Allo Docteurs
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A l'heure où l'Assurance maladie doit dégager plus de 10 milliards d'euros d'économies d'ici à 2017, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a promis de s'attaquer aux "actes qui ne sont pas médicalement nécessaires ou qui occasionnent des doublons". Selon un sondage réalisé pour la Fédération hospitalière de France (FHF) en 2012, auprès de plus de 800 médecins, seuls 72 actes sur 100 étaient "pleinement justifiés".

L'Assurance maladie travaille depuis plusieurs années sur cette question, pour éviter les actes inutiles ou redondants et la consommation inadaptée de médicaments - des économies potentielles estimées en 2014 à 2,5 milliards d'euros par Mme Touraine.

L'an dernier, dans son rapport annuel, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) s'est par exemple étonnée que 61% des bénéficiaires d'IRM des os et des articulations n'aient pas eu de radiographie préalable. Moins chère, la radio permettrait pourtant d’éliminer les diagnostics de lésions osseuses. A la clef, 59 millions d'euros de possibles économies. 

De même, pourquoi refaire des analyses pour déterminer le groupe sanguin systématiquement avant une intervention chirurgicale, "même lorsque la probabilité de transfusion sanguine est faible, voire nulle" et que "ces éléments sont immuables dans le temps", interroge l'Assurance maladie.

Autre exemple, les examens de la thyroïde, "extrêmement fréquents", alors qu'il n'y a pas lieu de dépister "systématiquement" la population ne présentant pas de symptômes.

Sur les différentes analyses biologiques, 60 millions d'euros d'économies pourraient être réalisées, selon ses évaluations.

Incitation à la consommation

Pour le professeur en économie de la Santé à l'université Paris-Dauphine, Claude Le Pen, l'équation n'est pourtant pas si simple à résoudre. 

"Une analyse biologique peut-être jugée redondante a posteriori car elle n'a rien révélé, mais comment le savoir avant ? La médecine procède beaucoup par élimination", rappelle-t-il à l’AFP. "Nous sommes dans une société où prévaut le principe de précaution. Les médecins se couvrent pour ne pas qu'on leur reproche une erreur de diagnostic."

Si les patients peuvent "pousser à la prescription", il reconnaît aussi que ces derniers font confiance à ceux qui les soignent et n'ont pas les moyens de savoir si les actes prescrits sont utiles.

Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France, dénonce le fait que "la tarification à l'acte pousse à la consommation". "Une partie des revenus des professionnels dépend de leurs actes", souligne-t-il, en évoquant le cas des opérations de la cataracte (l’acte chirurgical le plus pratiqué en France). Dans un document de 2008, l'assurance maladie relève que le nombre de ces opérations, pouvait varier de 60% selon les départements en raison de deux facteurs : l'âge de la population et la densité des ophtalmologues.

"Les taux élevés d'opération de la cataracte correspondent aux régions où sont installés les gros centres de chirurgie de la cataracte", constatait la Sécurité sociale dans son étude[1]. Elle révèle que dans les Alpes-Maritimes où le nombre d'ophtalmologues est de 14 pour 100.000 habitants, le nombre d'opération s'élève à 1.227 pour 100.000 habitants. En revanche, en Lozère où le nombre de spécialistes est inférieur à 3 pour 100.000, on ne compte plus que 885 interventions pour 100.000 habitants. 

"Les statistiques de prévalence sont trop rarement divulguées, elles permettraient pourtant une plus grande prise de conscience", déplore Gérard Vincent. "Attention, pour faire de réelles économies, ce n'est pas que l'acte qui doit être visé, mais tout ce que cela entraîne derrière en terme de personnel, de nombre de lits ouverts".

La rédaction d'Allodocteurs.fr, avec AFP


[1] Cette étude a également pris en compte l'ensoleillement ou encore le contexte socio-économique.