Soins palliatifs : la Cour des comptes dénonce le retard de la France
L'accès aux soins palliatifs demeure "globalement limité" et "nettement moins répandu que dans certains pays étrangers", déplore la Cour des comptes dans son rapport annuel, rendu public ce 11 février. Elle dénonce le peu d'actions entreprises depuis 2008, alors même que d'importants fonds ont été alloués à cette thématique.
Dès 2007, la Cour des comptes avait alerté sur "le retard et la lenteur" avec lesquels les soins palliatifs se développaient en France, en dépit de la législation, qui en fait un droit du patient (voir encadré).
Pour la Cour, "une politique active en ce domaine" aurait dû constituer "une priorité, au regard de l'importance des attentes que traduisait la demande croissante, de la part des personnes souffrant de pathologies graves ou en fin de vie […]".
En 2008, un "programme national de développement des soins à domicile" doté d'une enveloppe de près de 230 millions d'euros et prévoyant un total de 18 mesures, avait vu le jour. Sept ans plus tard, la Cour s'est attelé à évaluer les progrès réalisés en la matière.
En dépit des annonces, l'institution constate tout d'abord "[qu']aucune estimation globale du nombre de personnes ayant effectivement bénéficié de soins palliatifs sur une année donnée n'est disponible".
De fortes disparités territoriales
Parmi les critiques adressées au système français de soins palliatifs, la Cour des comptes pointe notamment "de fortes disparités territoriales" avec un taux de lits (en unité de soins palliatifs pour 100.000 habitants) variant de 0 en Guyane à 5,45 dans le Nord-Pas-de-Calais.
Le taux d'équipes mobiles de soins palliatifs s'échelonne pour sa part de 0,27 en Limousin à 1,09 en Basse Normandie (pour 100.000 habitants).
La Cour des comptes déplore en outre "une prise en charge palliative déséquilibrée", au bénéfice du milieu hospitalier, alors que les souhaits "de la plupart des personnes concernées" seraient de finir sa vie loin de l'hôpital. D'après les sondages, quatre Français sur cinq souhaiteraient passer leurs derniers instants chez eux. Dans les faits, la part des décès à domicile est inférieure à 20%.
La Cour réitère dès lors sa recommandation de 2007 visant à donner la priorité au développement des soins palliatifs à domicile et les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées dépendantes.
Une faible prise en compte des aidants
La Cour relève enfin que la mise en place de dispositifs de soutien des aidants familiaux a été "particulièrement lente". "Le congé de solidarité familiale (voté en 1999) [destiné à permettre aux personnes salariées d'assister un proche "dont la pathologie met en jeu le pronostic vital ou qui est en phase avancée ou terminale d'une affection grave ou incurable" n'a fait l'objet de textes d'application que neuf ans plus tard". Quant à la création de l'allocation journalière d'accompagnement des personnes en fin de vie, "[elle n'est] intervenue qu'en 2010", regrettent les auteurs du rapport.
Conclusion amère de la Cour : du fait de ces "atermoiements", seules 1.283 personnes ont bénéficié du dispositif entre avril 2012 et mai 2014.
Un point positif, toutefois : le programme national 2008-2012 "a permis le développement du financement par l'assurance maladie, dans le cadre du Fonds national d'action sanitaire et sociale (sous condition de ressources), d'heures d'aide à domicile et de matériel". Mais ce dispositif, "à la dimension au demeurant limitée, apparaît très inégalement connu et mobilisé".
Le volet du rapport de la Cour concernant les soins palliatifs s'achève sur ce constat : "des trois priorités de santé publique déclarées en 2008, la politique de développement des soins palliatifs apparaît comme celle qui a le moins réussi à modifier les perspectives", c'est-à-dire "à remédier globalement aux grands retards et aux graves inégalités d'accès constatés depuis longtemps en ce domaine et à rééquilibrer l'offre de soins dans le sens des attentes constantes des patients et de leurs familles : par priorité au domicile. […]"
"Le développement des soins palliatifs demeure [dans notre pays] très en deçà des besoins et des attentes, alors même que le vieillissement grandissant de la population et l'évolution des pathologies et des mentalités se conjuguent pour laisser anticiper une demande encore accrue au cours des années qui viennent."
Source : Rapport 2015 de la Cour des comptes - Les soins palliatifs : une prise en charge toujours très incomplète [PDF, 596,01 kB]
Pour en savoir plus sur les soins palliatifs :
- Neuf personnes sur dix n'ont pas accès aux soins palliatifs dans le monde, article du 28 janvier 2014
-
Précarité : les Français inégaux devant la fin de vie, article du 7 janvier 2015
- Mieux accepter les soins palliatifs dossier du 29 juin 2010, mis à jour le 6 juillet 2010
Selon la définition retenue par le ministère de la Santé, rappelée par la Cour des comptes, les soins palliatifs sont "des soins actifs, délivrés par une équipe multidisciplinaire, dans une approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale. [Ces soins] ont pour but de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu'à la mort et doivent notamment permettre de soulager la douleur, apaiser la souffrance psychique, sauvegarder la dignité de la personne malade et soutenir son entourage". L'article 1er de la loi du 24 juin 1999, relative aux droits de la personne malade et des usagers du système de santé, stipule que "toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement".