Alcool : un duel au sommet de l'Etat
Agnès Buzyn versus Audrey Bourolleau. Un duel au sommet. Les deux femmes, que tout oppose ou presque, font partie de la même équipe, celle d'Emmanuel Macron. Pourtant, entre l'actuelle ministre de la Santé et la conseillère en agriculture de l'Elysée, ex-lobbyiste du vin, le bras de fer risque d'être serré. Explications.
Agnès Buzyn, actuelle ministre de la Santé, est professeur de médecine, ancienne directrice de l'Institut national du cancer. Elle a la lourde charge aujourd'hui de défendre la sante publique en France.
Audrey Bourolleau, elle, est actuellement conseillère en agriculture de l'Elysée. Elle a un long parcours de lobbyiste dans le domaine viticole. Après être passée chez les champagnes Rothschild, puis chez Heineken, elle s'est fait remarquer en tant que déléguée générale de Vin et société, le lobby de la filière viticole. En quelques années, elle a dépoussiéré ce lobby. Pour conseiller Emmanuel Macron, elle a dû se mettre en disponibilité.
Un duel à fort enjeu
Ces deux profils donnent deux femmes aux idées divergentes sur la question de la place de l'alcool dans notre société. Problème, elles font partie de la même équipe. Si Audrey Bourolleau n'est pas en charge des questions de santé, sur certaines questions, les ministères et les conseillers collaborent. Or, l'alcool est la deuxième cause de mortalité en France avec 50.000 décès par an, souvent prématurés (avant 65 ans). Et contrairement aux idées reçues, la taxation sur les alcools, qui rapporte environ 3,2 milliards d'euros par an, ne couvre pas le coût des soins liés à l'alcool qui représente 7,7 milliards d'euros, soit 37% du budget de l'Assurance maladie.
Agnès Buzyn et Audrey Bourolleau se sont combattues sur les idées, notamment en 2013. L'actuelle ministre de la Santé est alors invitée à participer à "Bravo Vino", un événement organisé par Vin et société dirigée par Audrey Bourolleau et le magazine Le Point où les intervenants parlent du vin. On y croise des people, des journalistes... En 2013, une table ronde autour de la santé et du vin a été organisée et Agnès Buzyn était présente en tant que directrice de l'INCa. Malgré des attaques de la part des défenseurs du vin, elle rappelle sa position en tant que scientifique et évoque notamment les risques de cancers liés à la consommation d'alcool. Une intervention à l'issue de laquelle Agnès Buzyn a été vertement critiquée, notamment par les lobbyistes viticoles.
Mais les deux femmes vont également s'affronter plus récemment. Audrey Bourolleau a oeuvré en tant que lobbyiste pour obtenir en 2015, lors de l'examen de la loi, le détricotage de la loi Evin qui encadre la publicité sur les boissons alcoolisées en France depuis 1991. La réponse de l'actuelle ministre de la Santé fut sans concession. Alors présidente de l'INCa à l'époque, elle se dit "très inquiète" de cette volonté de changer la législation. Selon elle, il s'agit d'"un échec grave pour la santé publique et une victoire des lobbies", "clairement, les industriels ont gagné cette bataille sur le front parlementaire".
Les prochaines batailles du couple Buzyn-Bourolleau
Dans le programme d'Emmanuel Macron, il existe une priorité : la prévention. Et si la France a du retard, c'est bien dans la prévention de ces deux facteurs de risques que sont le tabac et l'alcool.
Il va s'agir prochainement de statuer sur les messages sanitaires sur les bouteilles d'alcool. Le ministère de la Santé devra se prononcer mais le ministère de l'Agriculture sera aussi concerné par cette mesure. Pourtant, il faudra trancher. Autre exemple : les seuils de consommation d'alcool. Un avis a été rendu le 4 mai 2017 par l'INCa et Santé Publique France des agences indépendantes, une décision sera prise très prochainement.