Les syndicats de médecins généraux boycottent la conférence de santé du gouvernement
Une "grande conférence" pour tenter de réconcilier le gouvernement et le monde de la santé. Tel était l'objectif de la journée de travail organisée jeudi 11 février, à Paris, par le gouvernement. Elle avait été annoncée en mars 2015, au plus fort de la contestation contre la loi de santé. Ce rendez-vous a été boycotté par les principaux syndicats de médecins libéraux, qui dénoncent un "enfumage politique". Les explications du Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF).
- Pourquoi avez-vous décidé de boycotter cette conférence ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "Nous avons décidé, nous tous les syndicats représentatifs, ce qui est tout à fait historique, de ne pas nous rendre à cette conférence de santé qui a été organisée après le très fort mouvement de contestation du printemps dernier, après la manifestation du 15 mars dernier.
"Nous protestions alors contre la loi de santé. Cette loi a continué son bonhomme de chemin, elle vient d’être retoquée en grande partie par le Conseil constitutionnel qui a donné en partie raison aux médecins libéraux sur le tiers payant généralisé. Le Conseil constitutionnel a pointé du doigt les difficultés avec les assureurs complémentaires, ce que nous avions déjà dénoncé. Nous avions dit que cette grande conférence de santé arrivait trop tard. C’était une opération de communication.
"Nous avons donc décidé de nous réunir de notre côté. Nous tenons les assises de la médecine libérale où nous allons faire de vraies propositions pour l’exercice de la médecine libérale dans notre pays. Nous considérons que le Premier ministre n’a pas pris la mesure de l’urgence du malaise des médecins libéraux."
- Parmi vos revendications, il y a la hausse du prix de la consultation chez le médecin généraliste, actuellement fixé à 23 euros. Des négociations vont s'ouvrir avec la Sécurité sociale sur ce sujet fin février. Qu'en attendez-vous ? Quel prix souhaitez-vous pour la consultation ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "Aujourd’hui, c'est 23 euros pour voir un médecin généraliste, alors que le prix moyen en Europe est de 47 euros. Les deux tiers des médecins généralistes n’ont même pas de secrétaire. Voilà l’état de la médecine libérale aujourd’hui. Il faut un effort très significatif d’orientation et de soutien à la médecine libérale, à la médecine spécialisée de proximité pour que nous puissions justement prendre en charge ces patients âgés qui cumulent les pathologies. Je ne vous donnerai pas de chiffre, cela fera l’objet de la négociation conventionnelle.
"Aujourd’hui, je dis franchement qu’aller voir un médecin pour moins de 30 euros dans notre pays, ça n’est pas logique, ce n’est pas respectueux pour notre engagement professionnel."
- Certains médecins libéraux ont décidé de faire payer plus cher leur consultation quand ils dépassent les 35 heures par semaine. Ils utilisent pour cela le principe de "dépassement pour exigence du patient". Soutenez-vous cette initiative ? N’est-ce pas gênant que ce soit toujours le patient qui paye le prix de votre colère ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "Notre syndicat appelle les médecins libéraux à utiliser cette possibilité de dépassement, d’utiliser du DE, de sortir de cette situation dans laquelle nous sommes avec ce tarif. Bien sûr, ce n'est pas avec tous les patients. Nous sommes très attachés à la médecine libérale et sociale. Il faut l’adapter à chacun des patients.
"La modalité qui été choisie de la faire sur 35 heures ne me semble pas adéquate. Effectivement, cela peut pénaliser des patients qui sont dans des situations difficiles, qui doivent consulter lorsqu’ils sortent de leur boulot et qui iront donc voir leur médecin après les horaires de 35 heures. Mais effectivement, aujourd’hui il y a un mouvement de mécontentement tarifaire. Il est en train de prendre corps dans l’ensemble du pays.
"Aujourd'hui, nous sommes attachés à une médecine sociale et avec un système de conventions et des tarifs. Encore faut-il des tarifs qui nous permettent d'exercer dans de bonnes conditions notre métier…"
- Un autre point de blocage entre vous et le gouvernement : vous êtes très attaché à votre liberté d’installation. Mais, pour résoudre le problème des déserts médicaux, Marisol Touraine a annoncé que dans les régions qui ont la plus faible densité médicale, le numérus clausus serait augmenté. Vous pensez que c'est la solution aux déserts médicaux ?
Dr Jean-Paul Ortiz : "Aujourd'hui, des problèmes de démographie médicale se posent dans notre pays. Effectivement, il y a quelques endroits où on a du mal à trouver un médecin généraliste de proximité par exemple. On parle de déserts médiaux, mais ce sont souvent des déserts tout court. Les services de l’état se sont désengagés. On a fermé un collège, la gare… Et on voudrait qu’il y ait un médecin généraliste dans tous les petits villages. Cela n’est pas possible.
"On veut travailler en équipe dans des structures regroupées donc forcément dans des villes de plus grande importance. Il faut nous aider pour faire ce regroupement, il faut nous donner les moyens. Cela coûte de l’argent quand on monte une maison de santé pluridisciplinaire. Aujourd’hui, ce qu’il faut c’est encourager l’installation des médecins libéraux et des jeunes générations. Aujourd’hui seulement 12% des jeunes qui s’inscrivent au Conseil de l’Ordre vont s’installer en médecine libérale. Il faut savoir attirer les jeunes générations pour exercer notre beau métier !"