Lobbies : comment ils ont envahi les réseaux sociaux
Comment faire connaître des produits quand la loi interdit leur publicité comme c’est souvent le cas dans le domaine de la santé ? Tout simplement en utilisant le flou juridique qui règne sur les réseaux sociaux.
Ça se passe notamment sur Instagram, ce réseau social où on poste des photos avec possibilité de mettre une légende. Tout le monde peut s’abonner à votre profil. Certaines personnes sont devenues célèbres grâce à Instagram et à leurs photos, on les appelle des influenceurs. Ils ont des milliers, voire des millions de personnes qui les suivent, tous les jours, ce sont les followers. Instagram c’est 4 milliards de like par jour. De quoi faire tourner la tête au marché publicitaire. Les annonceurs prévoient, en 2019, de dépenser 21% de leur budget publicitaire dans le marketing d'influence contre 9 % en 2014. Instagram est intéressant pour eux car 41% des utilisateurs ont entre 16 et 24 ans et 35% ont entre 25 et 34 ans.
Instagram : une aubaine pour l'industrie du tabac
Certains annonceurs comme l’industrie du tabac, utilise les réseaux pour attirer les jeunes.
Campagnes de pub et réseaux sociaux
L’industrie du tabac organiser donc des vraies campagnes de pub sur Instagram. Cette jeune femme est en train de fumer mais cette photo n’a pas été postée par hasard. Une association américaine Campaign for Tobacco-Free Kids, en français "Campagne pour des enfants sans tabac" révéle que des influenceurs ont été rémunérés jusqu’à 200 euros par des marques de cigarettes pour poster ce type de photos. Selon l’enquête, la marque de cigarettes recommanderait même de poster des contenus 2 fois par semaine avec la mention #likeus_party. Pour les cigarettiers c’est une pub peu chère et qui touche leur cœur de cible : les jeunes ! On rappelle que 73 000 morts sont imputables au tabac en France chaque année.
Les marques d’alcool utilisent une stratégie similaire
Il faut savoir que certains influenceurs sont rémunérés jusqu’à 2 000 euros par photo, en fonction de leur notoriété. Mais sur ces photos la notion de publicité n’est pas toujours explicite. Parfois on trouve ce #ad, autrement dit advertising pour publicité en anglais. Et puis parfois rien, aucune référence à la publicité, aucun message de prévention du type "l’abus d’alcool est dangereux pour la santé". Pourtant, c’est une obligation de la loi Evin.
Pas de loi Evin sur Instagram
On peut se demander pourquoi, les règles concernant la publicité sur l’alcool et le tabac normalement encadrées par la loi Évin en France, ne le sont pas sur Instagram ? Premièrement les influenceurs sont aujourd’hui internationaux, il est donc difficile de faire valoir la loi Évin à un instagrameur américain ou australien. En revanche, si un influenceur français se fait rémunérer, il doit respecter certaines règles sinon cela relève du pénal. Il risque jusqu’à 300 000 euros d'amende et 2 ans d'emprisonnement. Pour le tabac, la publicité est tout simplement interdite. En revanche, pour l’alcool c’est encadré, il doit figurer la mention "publicité", un message de prévention et l’influenceur ne doit pas être en train de boire.
Qui vérifie le respect de ces règles ?
Il y a la justice mais il n’y a pas de police de la loi Evin sur Instagram. Alors qu’en TV, le gendarme, c’est le CSA. En revanche, c’est plus compliqué sur Instagram car les réseaux sociaux refusent d’être apparentés à des médias sinon ils deviendraient responsables des contenus. Alors, l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), une association, essaie de faire respecter quelques règles de base comme la loi Evin.
Il est difficile d'évaluer si les règles sont appliquées car on ne sait jamais si la personne qui a posté une photo a été rémunérée ou si elle le fait tout à fait personnellement pour partager un moment avec ses amis. D’autant qu’il y a des milliards de photos postées chaque jour. Il faut donc compter sur la bonne volonté de l’annonceur et de l’influenceur pour faire apparaître la notion de pub.
Instagram, terrain de jeu des laboratoires pharmaceutiques ?
Sur une photo postée par une mère de famille sur instagram, on peut lire cette légende. "Les petites granules d’arnica nous accompagnent (comme beaucoup de parents) depuis presque six ans, nous avons d’ailleurs un tube dans chaque pièce de la maison". En dessous, il y a un lien, qui renvoie vers le site MonHoméoMonChoix et derrière MonHoméoMonChoix se cache une pétition pour défendre l’homéopathie.
Elle a été lancée par des organisations professionnelles comme des syndicats de médecins homéopathes ou encore des entreprises comme : Boiron, Lehning et Weleda. Sur Instagram ,la mère de famille confirme avoir été rémunérée pour ce message par un laboratoire, qui l'a lui-même confirmé aussi de son côté dans le journal Libération mais on ne saura pas combien. Elle n’est bien sûr pas la seule, d’autres influenceuses ont aussi participé à cette campagne de pub.
En France, la publicité pour des médicaments est encore réglementée...
Dans ce cas précis l’ANSM considère qu’il n’y pas de marque mise en avant par l’influenceuse, seulement une pratique, donc ce n’est pas de la publicité. Car en matière de publicité pour les médicaments, les règles sont très strictes. S’il est interdit de faire de la pub pour des médicaments vendus sur ordonnance auprès du grand public, il est possible d’en faire pour les médicaments en vente libre. Seulement, une autorisation préalable de l’ANSM est nécessaire.
De plus, il faudra désactiver la mention "like" ainsi que les commentaires. L'ANSM est au fait de ces nouvelles tendances. Dans sa mission de protection de la santé publique, l’agence travaille activement pour trouver des solutions afin d'encadrer au mieux ces pratiques.
... mais pour combien de temps encore ?
Rémy Teston spécialiste de la communication d’influence en santé pense qu'on en est aux prémices. Aujourd’hui les labos pharmaceutiques sont frileux mais à l’avenir ils vont de plus en plus communiquer sur les réseaux sociaux notamment sur les campagnes de préventions ou les journées mondiales auxquelles ils participent.