Les professionnels de santé pourront-ils désormais faire leur publicité ?
Selon le Conseil d'État, l'interdiction de publicité imposée aux médecins depuis plus de 70 ans doit être remplacée par un "droit à une communication libre avec le public", mais "non commerciale".
L'interdiction de faire de la "réclame" pour les médecins remonte au moins à 1947. Dans une étude sur les "Règles applicables aux professionnels de santé en matière d'information et de publicité", réalisée à la demande du Premier ministre, le Conseil d'État propose de mettre fin à certaines des restrictions actuelles en matière d'information.
Le groupe de travail, présidé par Yves Doutriaux, souhaite accorder un "droit de communication" aux professions de santé dotées d'un ordre professionnel, donc d'une autorité disciplinaire : médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers, sages-femmes, pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes, pharmaciens (qui ont déjà le droit de faire de la publicité pour la parapharmacie, mais ne pourront toujours pas en faire pour les médicaments).
Pourquoi un changement de la loi ?
Deux raisons principales motiveraient cette proposition. M. Doutriaux cite d'abord, à l'heure d'internet et des réseaux sociaux, "les attentes légitimes du public" en matière de santé. Les patients veulent en savoir plus sur le professionnel de santé avant de prendre rendez-vous: quels actes il pratique habituellement, quelle est son expérience, combien coûte la consultation, combien reste à charge...
À cet argument s'ajoute une évolution de la jurisprudence européenne de nature à fragiliser la réglementation française. Un arrêt récent de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie par la Belgique dont la législation est très proche de celle de la France, qui a jugé contraire au droit européen une prohibition générale et absolue de la publicité relative aux soins.
Aider le public à choisir son médecin
"Les gens vont sur Google pour se renseigner tout en se méfiant des résultats", remarque le conseiller d’État. Et "selon une étude récente, 35% des personnes âgées de moins de 35 ans, et 26% de l'ensemble de celles susceptibles d'être soignées renonceraient aux soins, faute de savoir à qui s'adresser ou comment s'orienter".
"Pour autant, tout ne doit pas être possible. Il ne faudrait pas, sous prétexte de suppression de l'interdiction de la publicité pour ces professions, que l'on puisse faire n'importe quoi", a déclaré M. Doutriaux à l’AFP.
Voir également : La publicité osée d'une clinique n'amuse pas l'Ordre des médecins
Si la proposition du Conseil d’État venait à être adoptée, elle s’accompagnerait de l'interdiction "d'exercer la profession [de santé] comme un commerce", conformément à la déontologie médicale consacrée par le droit français et européen. "La communication du professionnel de santé devra, entre autres, être loyale, honnête, ne faire état que de données confirmées et s'abstenir de citer des témoignages de tiers", comme des anciens patients.
Les ordres dresseront un "menu déroulant limitatif" des précisions que le professionnel pourra apporter sur ses spécialités et "sur-spécialités".
L'information économique (honoraires, mode de paiement, reste à charge...), déjà censée être affichée dans les salles d'attente, sera également obligatoire sur "tout support" (site internet, répondeur téléphonique, secrétariat électronique, etc.) et consultable avant rendez-vous.
Concurrence européenne
Le Conseil d'État recommande également au gouvernement de proposer une concertation au niveau européen en vue d'une meilleure coordination des législations nationales sur la communication. Dans les zones frontalières, les professionnels de santé sont de plus en plus souvent confrontés à la concurrence de leurs homologues, pour lesquels la publicité peut être moins strictement encadrée.
En outre, les publicités vantant les mérites de dentistes hongrois ou de cliniques bulgares sont légales en France.
Au-delà de l'UE, l'essor du commerce mondial en ligne entraîne une large diffusion de publicités dans des domaines comme l'imagerie médicale ou les analyses biologiques, proposées à des prix très bas par certains pays comme l'Inde, avertit le rapport.
la rédaction d’Allodocteurs.fr, avec AFP