#PasEncadréPasFormé : le hashtag des carabins en colère
Le 11 juin, dans le cadre de l’examen du projet de loi Santé, les sénateurs ont voté trois amendements proposant d’envoyer les étudiants de dernière année d’internat en stage dans un désert médical, sans encadrement.
"C’est un non-sens pédagogique. On ampute un tiers des études de médecine." Marianne Cinot, vice-présidente de l’InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (Isnar-IMG), n’en revient pas. Dans le cadre de l’examen du futur plan Santé du gouvernement, les sénateurs, à la quasi-unanimité, ont accepté trois nouveaux amendements. Les textes prévoient de consacrer la dernière année d’internat des étudiants en médecine générale à un stage en ambulatoire, prioritairement dans une zone sous-dotée, en autonomie.
"Les sénateurs ont intégré cette année coercitive dans la formation"
Pour rappel, l’internat dure trois ans, avec six stages de six mois. Le premier s’effectue chez un médecin généraliste, les quatre suivants aux urgences, en médecine polyvalente, en santé de la femme et en santé de l’enfant, et le dernier en autonomie supervisée chez un médecin généraliste. Il serait donc ici question de supprimer les deux derniers stages, pour les remplacer par un an dans un désert médical. En plus des futurs médecins généralistes, d’autres spécialités pourraient être concernées par ces textes, s’ils sont adoptés définitivement.
"Au lieu de voter une des mesures coercitives souvent proposées, qui consiste à obliger un certain nombre d’années d’exercice en zones sous-denses à la sortie des études sous peine de pénalités financières, les sénateurs ont intégré cette année coercitive dans la formation" résume l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) dans un communiqué.
Des centaines de tweets en signe de protestation
Une idée absurde et dangereuse, pour de nombreux étudiants, qui ont pris les réseaux sociaux d’assaut via le hashtag #pasencadrépasformé, créé par l’Isnar-IMG, l’Anemf et l’InterSyndicale Nationale des Internes (Isni).
Aller en zone sous-dense, oui, mais avec un encadrement
Les syndicats d’étudiants s’opposent à ces amendements pour trois raisons majeures. "Tout d’abord, c’est contre-productif. Ce n’est pas par la contrainte que ça va fonctionner. Ca n’a déjà pas marché dans d’autres pays" affirme Marianne Cinot. Au lieu d’obliger les étudiants à passer un an dans des déserts médicaux pour améliorer l’offre de soins, les syndicats proposent notamment d’y faciliter l’installation des jeunes praticiens et de favoriser le travail en groupe et l’interprofessionnalité. "Nous, on ne demande qu’à découvrir ce qui se passe dans nos territoires !" s’exclame l’étudiante en 4e semestre d’internat à Rennes.
Le deuxième point de tension, c’est l’absence d'encadrement, estime Marianne Cinot. Une mesure prévue par les amendements qui effraie particulièrement les étudiants. Ceux-ci affirment en effet qu’ils ne sont pas suffisamment formés, à ce stade, pour soigner correctement sans l'aiguillage d’un supérieur. D’où le troisième point de tension : les potentiels dangers pour les patients. "De plus, la question du suivi pose problème. Les patients auront un médecin pendant un an sur leur territoire, puis un autre" ajoute la vice-présidente de l’Isnar-IMG.
Des réserves partagées par les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur, Agnès Buzyn et Frédérique Vidal. Rappelons que pour le moment, les dispositions décriées par les étudiants n’ont pas encore été adoptées. Le projet de loi en question doit être étudié par la commission mixte paritaire le 20 juin, avant un vote définitif à l'Assemblée nationale prévu avant l'été. En attendant, Marianne Cinot le clame haut et fort : "Les étudiants ne vont rien lâcher."