Harcèlement à l'école : comment réagir ?
Le harcèlement se définit comme une violence répétée, sur une longue période, qui peut être verbale, physique et/ou psychologique. Cette violence se retrouve notamment à l'école. Elle est le fait d'un ou de plusieurs élèves à l'encontre d'une victime, souvent isolée et en difficulté pour se défendre. On parle donc de harcèlement quand un enfant est insulté, menacé, bousculé, battu ou reçoit des messages injurieux à répétition. Les explications avec le Pr Philippe Duverger, pédopsychiatre.
L'imaginaire et la cruauté n'ont pas de limites et les formes de harcèlement sont innombrables. On peut cependant décrire trois grandes formes de harcèlement :
- Le harcèlement psychologique ou moral : moqueries, insultes, menaces, humiliations, chantage, fausses rumeurs, discriminations physiques, racisme, provocations sexuelles, verbales ou gestuelles.
- Le harcèlement physique : bousculades, coups, pincements, tirage de cheveux, enfermements, vols, rackets, dégradation de matériels, violences à connotations sexuelles, jeux dangereux sous la contrainte.
- Le cyber-harcèlement : défini comme un acte violent, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d'individus au moyen de formes de communication électroniques (SMS, blogs, Facebook, Internet…) de façon répétée, à l'encontre d'une victime qui ne peut facilement se défendre seule. Les réseaux sociaux amplifient la violence. Par exemple, la publication d'une photo ou d'une vidéo de la victime en mauvaise posture. Exposée 24h/24 et 7j/7, la victime connaît un état d'insécurité permanent, et se sent encore plus isolée et fragilisée. Le harceleur est parfois masqué par un pseudo. Ce qui fait qu'il s'autorise une plus grande méchanceté.
Le harcèlement scolaire, un phénomène ancien
Le harcèlement scolaire a toujours existé et on en retrouve des illustrations dans de nombreuses oeuvres littéraires ou cinématographiques : Poil de carotte, La guerre des boutons, Sa Majesté de mouches, Le Petit Nicolas, Titeuf... qui montrent que les enfants ne sont pas tendres entre eux. L'origine est souvent une différence physique, psychique ou dans la façon d'être. Cela crée des groupes, des clans et donc des exclus. Cela peut être le plus riche ou le meilleur élève, le timide ou la plus belle…
Le phénomène n'est donc pas nouveau mais il est sans doute plus fréquent avec des formes nouvelles comme le cyber-harcèlement, particulièrement pernicieux et ravageur. 10 à 12% des collégiens rencontrent des problèmes de harcèlement (soit 1.200.000 élèves en France). 8% des élèves sont victimes de harcèlement verbal ou symbolique grave et 5% des collégiens subissent un harcèlement physique grave. Cependant 93% des élèves sont satisfaits du climat de leur collège en France, en 2013.
Comment se rendre compte d'un harcèlement scolaire ?
Le harcèlement se pratique généralement à l'abri du regard des adultes (dans les couloirs, les toilettes, sur Internet…), mais il existe certains signes de dépistage dont le changement de comportement de l'élève : peurs, craintes inhabituelles, faible estime de soi, pleurs, plaintes récurrentes, baisse d'intérêt pour les activités (scolaires, autres), troubles du sommeil, fatigue, retards, baisse des résultats scolaires, absences, fugues, menaces, agressivité (il se fait du mal ou fait du mal aux autres), isolement du groupe et repli sur soi. Il ne faut jamais laisser un élève se perdre et souffrir en silence.
L'enfant harcelé vit une grande souffrance psychologique. D'emblée, c'est l'humiliation et la honte qui envahissent, souvent associées à une culpabilité (inconsciente). La sidération psychique, le silence, l'inhibition, l'exclusion, la solitude et la fuite complètent le tableau. Et si cela s'installe dans le temps, apparaissent alors des troubles anxieux (insécurité, angoisses, phobies), des somatisations répétées (mal au ventre, à la tête) et des troubles de l'humeur comme la dépression, qui peut mener au suicide, des scarifications, des troubles du comportement (violences) des addictions et finalement, un échec scolaire.
L'enfant harcelé présente presque toujours une difficulté à mettre des mots sur ce qui se passe et une incapacité à sortir d'un cercle vicieux. L'inhibition de sa propre agressivité et un isolement le fragilisent. Il est en attente : non pas forcément que justice soit faite mais d'être entendu(e), reconnu(e) et soutenu(e).
Pourquoi les victimes ne parlent pas ?
Il y a trois facteurs importants dans le harcèlement : le tabou du silence, tant des victimes (22% des enfants harcelés n'en parlent pas) que des adultes de l'entourage, le paradoxe de la honte (et de culpabilité de la victime) : se plaindre est un signe de faiblesse, d'une incapacité à se défendre et à être autonome. Malheureusement, se taire est un enfermement pire que tout !
Pour comprendre, dans la honte on perd la face. On est tout nu alors que l'on se croyait habillé. Quelque chose est révélé et est source d'humiliation. Il est donc très compliqué de soigner la honte. Non seulement parce qu'elle détruit mais aussi parce qu'elle pousse à la violence, pour détruire l'autre. Le contraire de la honte, c'est la fierté et c'est ce qu'il faut retrouver.
Enfin, le dernier facteur concerne la question de la répétition (engrenage, cercle vicieux) et de la soumission (axe sadomasochiste), avec parfois des effets de groupe. L'enfant est très seul dans le harcèlement. Les conséquences du harcèlement peuvent être dramatiques. On a parfois tendance à minimiser mais le harcèlement peut avoir de graves conséquences. Certaines situations ont pu conduire au décès d'enfants, notamment par suicide.
Que faire en cas de suspicion de harcèlement ?
Le plus important est de rompre le cercle vicieux du harcèlement et la solitude de l'enfant. Chacun a un rôle à jouer : parents, enseignants, conseiller d'éducation, autres élèves. Il faut donc signaler le harcèlement aux autorités scolaires. Parfois, il faut établir une protection de l'enfant avec une suspension temporaire de l'école.
Le harcèlement scolaire est une situation à haut risque. Il ne faut pas passer à côté, et toujours s'étonner d'un changement de comportement. Il ne faut pas minimiser les humiliations et les brimades que vivent certains enfants. Surtout ne vous faites pas justice vous-même. Et ne pas oublier les harceleurs…