Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, gynécologue et militant du droit des femmes
Depuis une vingtaine d’années, le praticien soigne les femmes violées lors des conflits armés de l’est de la RDC. Vendredi 5 octobre, il a reçu le prix Nobel de la paix.
"Au départ, je voulais devenir pédiatre", confiait le Dr Denis Mukwege au Magazine de la Santé en 2016. Mais au Congo, constatant que de nombreuses femmes mouraient pendant l’accouchement ou souffraient de graves lésions génitales post-partum, il a décidé de se spécialiser dans la gynécologie et l’obstétrique. Depuis des années maintenant, il "répare" les femmes violées dans l'est de la République démocratique du Congo, victimes de guerres et oubliées.
En 1999, il fonde l’hôpital de Panzi, qui soigne les femmes violées
Le Dr Mukwege fait ses études de médecine au Burundi et se spécialise à Angers, mais il choisit d’aller exercer chez lui, en RDC. Il anime le service gynécologique à Lemera dès 1989, mais l'hôpital est totalement dévasté lors de la première guerre du Congo en 1996. Trois ans plus tard, il fonde alors l’hôpital de Panzi dans le Kivu, une région de l’Est. L’établissement, originellement conçu pour permettre aux femmes d'accoucher convenablement, devient rapidement une "clinique du viol", à mesure que la province sombre dans la deuxième guerre du Congo (1998-2003).
"C'est un homme droit, juste et intègre, mais intraitable avec la médiocrité" qui entend faire de Panzi un pôle de référence "aux normes internationalement reconnues", affirme le Dr Levi Luhiriri, médecin de l'hôpital. A ce jour, Panzi est largement soutenue par l'Union européenne. Le Dr Mukwege y habite, sous la protection permanente de soldats de la Mission des Nations unies au Congo.
Féministe et opposant politique
Aujourd’hui, il est âgé de 63 ans, marié et père de cinq enfants, et il est un opposant de poids au président Joseph Kabila, contre lequel il encourage à "lutter pacifiquement". Ce pasteur pentecôtiste se fait également le porte-parole des millions de civils menacés par les exactions des groupes armés ou des grands délinquants du Kivu, riche en coltan. Il échappe d’ailleurs de peu à une tentative d'attentat en octobre 2012. Après un court exil en Europe, il rentre en RDC en janvier 2013.
Le Dr Mukwege est souvent en déplacement, notamment en Irak, où il lutte contre la stigmatisation des femmes violées yazidies. En 2014, il lance le mouvement féministe masculin V-Men Congo. La même année, il obtient le prix Sakharov, qui récompense des individus ou des organisations engagés sur a question des droits de l'homme et de la liberté d'opinion. Depuis 2015, il dénonce par ailleurs "le climat d'oppression [...] et de rétrécissement de l'espace des libertés fondamentales" dans son pays.
Les femmes sont les premières concernées par cette situation : comme l’explique Denis Mukwege, la "guerre sur le corps des femmes", continue en RDC, malgré une diminution des violences sexuelles en 2015. "Malheureusement, depuis fin 2016-2017, il y a une augmentation", confiait le médecin à l'AFP en mars dernier.
Entretien avec Denis Mukwege diffusé le 24 octobre 2016.