Ch@t : L'acharnement thérapeutique
Ch@t du 23 juin 2010 Avec les réponses du Pr. Philippe Hubert, chef de service en réanimation pédiatrique et du Dr Edouard Ferrand, chef de service en réanimation chirurgicale.
Les réponses du Pr. Philippe Hubert
- Les soins palliatifs sont-ils considérés comme acharnement thérapeutique ?
Non pas du tout. Les soins palliatifs sont une alternative pour éviter l'acharnement thérapeutique. Cet acharnement thérapeutique (AT), également appelé "obstination déraisonnable", ne doit pas être poursuivi selon la loi d'avril 2005 et dans ce cas le confort du malade est assuré grâce aux soins palliatifs.
- Comment aider un patient qui subit un acharnement thérapeutique ?
En discutant avec le médecin ou l'équipe médicale qui prend en charge le patient. S'il s'agit bien d'un AT selon l'équipe médicale il convient de faire valoir les droits du malade tel que les lois de 2002 et 2005 les ont inscrits dans le Code de santé publique. La loi de 2005 fait devoir au médecin de ne pas faire d'AT. Toute la question est que le malade, sa famille et le médecin soient d'accord sur ce qui est un AT et ce qui n'en est pas un.
- A partir de quel âge peut-on donner des directives de fin de vie ?
Par directive de fin de vie vous entendez probablement les directives anticipées. Celles-ci ne peuvent être réglées que par un adulte c’est-à-dire à partir de 18 ans (l'âge de la majorité). Jusqu'à 18 ans, ce sont les parents de l'enfant qui sont titulaires de l'autorité.
- Peut-on demander à un enfant de formuler ses orientations de fin de vie ?
Il n'y a pas chez le mineur, c’est-à-dire de 0 à 18 ans, la possibilité d'écrire des directives anticipées. Cependant un adolescent de 13 ou 17 ans a tout a fait la possibilité d'exprimer ce qu'il souhaite lorsqu'il est atteint d'une maladie grave qui va aboutir à sa mort. La loi précise que les souhaits d'un enfant suffisamment mature, ce qui est le cas d'un adolescent, doivent être pris en compte par le médecin ou l'équipe médicale mais il faudra également tenir compte de l'avis des parents tant qu'il s'agit d'un mineur
- Faire subir des chimiothérapies très lourdes voire des greffes de moelle osseuse à des patients leucémiques, alors que ces mêmes patients sont en échappement thérapeutique, peut-il être associé à de l’acharnement thérapeutique ?
Il est très difficile de répondre à cette question car des traitements très lourds, dangereux et avec de nombreux effets secondaires comme certaines chimiothérapies ou les greffes de moelle osseuse permettent la guérison de maladies graves comme des leucémies. Je ne connais pas d'équipes médicales qui proposeraient une greffe de moelle osseuse à un malade pour lequel il n'y a pas d'espoir de guérison. La question est donc de s'entendre sur ce qu'on appelle AT ou obstination déraisonnable. La loi l’a défini comme un traitement inutile n'ayant d'autre effet que le maintien artificiel de la vie. Mais l'appréciation d'une obstination déraisonnable reste difficile.
- A partir de combien de semaines d’aménorrhée réanime-t-on (ou tente-t-on de réanimer) un nouveau-né ?
C'est une question difficile qui ne connait pas de réponse catégorique. En effet la réponse est différente selon les pays, en France les néonathologistes estiment qu'il n'est pas raisonnable d'entreprendre des manœuvres de réanimation à la naissance avant 24 semaines d'aménorrhée et que entre 24 et 26 semaines il est recommandé de discuter avec les parents afin de prendre une décision concertée, en accord avec eux, après les avoir informés des possibilités de traitements mais aussi de leurs risques.
- Suffit-il de dire aux médecins que l’on est contre l’acharnement ou faut-il le faire par écrit ?
Les deux possibilités sont recevables aussi longtemps que le malade est conscient et peut s'exprimer, il y a la possibilité de faire savoir ce qu'il souhaite et ce qu'il ne souhaite pas à son médecin. Toutefois si la maladie fait qu'il ne peut plus s'exprimer, qu'il ne peut plus parler/écrire, il est préférable d'avoir rédiger auparavant des directives anticipées. Une autre possibilité est de choisir parmi ses proches une personne de confiance qui pourra exprimer au médecin ce que souhaitait le malade si celui-ci ne peut plus le faire. Il y a donc différent moyen prévus par la loi d'éviter un AT.
Les réponses du Dr Edouard Ferrand
- Quand on est confronté à l’acharnement thérapeutique quel recours a-t-on ? Comment s’y opposer ?
Il faut prévoir le risque d'acharnement thérapeutique par des discussions d'équipe associant le patient si cela est possible, les proches, les infirmières de manière à construire un projet thérapeutique qui soit acceptable par tous. Un projet qui peut être au départ curatif puis palliatif.
- En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. Comment juger de l’obstination déraisonnable ? Qui doit en juger ?
L'acharnement thérapeutique est une constatation après coup dans l'évolution du malade, le seul moyen est la discussion en amont, régulière, dès qu'il s'agit d'une personne vulnérable (personne très âgées, dépendantes, ou cancer non curable).
- Où en est la législation concernant l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie ?
L'euthanasie reste illégale, elle est définie par la demande d'un malade à un tiers de lui donner la mort. Mais la lutte contre l'acharnement thérapeutique est parfaitement encadrée par la loi du 22avril 2005, qui permet aux équipes de pouvoir arrêter les traitements, sous réserve de conditions qui doivent absolument être respectées (consultation de l'équipe, des proches et du patient, ainsi qu'un avis médical extérieur).
- Les soins palliatifs sont ils considérés comme de l’acharnement thérapeutique ?
Bien sûr que non, les soins palliatifs sont LA bonne pratique à suivre lorsqu'un malade est identifié comme en fin de vie (soulagement de la douleur morale ou physique et accompagnement des proches). L'acharnement thérapeutique est justement le fait de ne pas identifier des patients qui justifieraient des soins palliatifs et chez qui seraient poursuivis des traitements douloureux et inutiles.
- Est-ce qu'un médecin peut arrêter un traitement pour un cancer sans informer le patient de sa décision de ne plus le soigner ? Existe-t-il un contrôle des dossiers médicaux ?
Non, la loi exige, depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, d'informer le malade ou ses proches de toute décision ou investigation.
- Je pense que l’euthanasie reste illégale et non légale, je me trompe ?
L'euthanasie est en effet illégale.
- Comment faire face à l'acharnement thérapeutique ?
La seule manière d'améliorer les pratiques est l'évaluation de ces pratiques.
- Aide-soignante depuis un an en maison de retraite, l’acharnement thérapeutique n’existe même pas mais comment expliquer que les soignants ne sont même pas informés que la réanimation est une obligation de soins dans l’urgence ?
L'acharnement thérapeutique est une mauvaise pratique quand il y a mise en œuvre de traitements inutiles. La réanimation n'est jamais une obligation.
- Ma grand-mère de 95 ans déprime et dit toujours qu'elle ne veut pas souffrir pour mourir mais comment faire pour l'aider à formuler ses souhaits avant d'être devant la situation ?
Le mieux serait d'en parler à son médecin traitant et de formuler ses souhaits par écrits (directives anticipées) et de désigner une personne de confiance pouvant témoigner de ses souhaits (procédure écrite également).
- A quoi sert-il de faire valoir par avance et par écrit sa volonté de non-acharnement thérapeutique, puisque ce sont les médecins qui décident finalement de s'obstiner ou non à réanimer une personne ?
Les médecins décident avec un certain nombre d'arguments dont l'expression des souhaits du patient, directs ou transmis par les proches, et avec des arguments objectifs médicaux concernant le pronostic vital et la qualité de vie future. Si ces conditions sont respectées, l'intérêt du patient et donc ses souhaits seront respectés.
- Existe-t-il un délai entre un début de coma et une autorisation de prise de décision de débrancher quelqu'un qui est dans le coma ?
Non c'est au cas par cas.
- Toutes les équipes soignantes ne sont pas formées pour prodiguer des soins palliatifs, quel dommage, car c’est un moment qui doit être du soulagement, du confort pour la personne soit non pas soignée mais accompagnée.
Vous avez raison, l'enjeu majeur est que les équipes de soins curatifs intègrent la culture de la démarche curative et les unités de soins palliatifs ne pourront jamais prendre en charge tous les patients de fin de vie.
- Le silence médical empêche-t-il de gérer l'AT ?
Le silence médical est probablement dû à la gêne occasionnée par la méconnaissance des règles de bonne pratique permettant d'éviter l'acharnement thérapeutique. Il est important de préciser que l'acharnement thérapeutique ne se fait pas volontairement.