Les abus de l'emploi médical temporaire
Pour compléter leurs équipes médicales, de nombreux établissements hospitaliers recrutent des médecins au travers de contrats temporaires. Des contrats d'un coût triple pour l'hôpital public, qui grèvent son budget de près de 500 millions d'euros par an, selon un rapport présenté le 17 décembre 2013 par le député PS Olivier Véran.
Recruter un médecin au travers d'un contrat d'intérim coûte cher : tandis qu'un praticien hospitalier gagne environ 260 euros nets par jour travaillé, il perçoit en moyenne 650 euros nets en mission temporaire. Le prix des gardes est pour sa part doublé, passant de 600 à 1.300 euros.
"Une fois additionnés les indemnités spécifiques, frais d'hébergement, de transport et de bouche, les frais d'agence [d'intérim]... le coût global [pour l'hôpital] est triplé", constate le groupe de travail coordonné par Olivier Véran.
Mais si le recours à l'emploi médical temporaire a bien "du sens" pour faire face à des problèmes ponctuels, et si les niveaux de rémunérations évoqués peuvent se justifier du fait de la précarité relative des contrats intérimaires, le rapport constate que de très nombreux abus sont désormais commis, au détriment des finances publiques.
"[L'emploi temporaire] est désormais utilisé comme une bouée de secours pour pallier un problème structurel", alerte en effet Olivier Véran.
Déserts médicaux et pénibilité du travail
Selon lui, le développement de l'intérim médical s'expliquerait par la conjonction de plusieurs facteurs. Le principal est associé au développement des déserts médicaux. Les établissements implantés dans certains territoires "manque[nt] d'outils pour attirer d'éventuels candidats", et ont souvent peu d'autonomie en matière de salaires. Le recours aux intérimaires est alors perçu "comme l'unique alternative à la fermeture d'un pan entier de l'activité médicale d'un établissement."
"Car comment faire, lorsqu'il n'y a plus d'anesthésiste pour endormir les malades au bloc opératoire ? Comment maintenir les urgences médicales ouvertes quand aucun urgentiste n'est pas disponible ?" s'interroge Olivier Véran. Les spécialités associées à une plus forte pénibilité sont les plus touchées par le phénomène.
Le phénomène s'auto-entretient : les contrats intérimaires étant plus lucratifs, un grand nombre de médecins résidant dans les territoires "désertés" préfèrent ce mode d'embauche. Et pour "sédentariser" les médecins temporaires, les établissements sont contraints "[à reconduire], mois après mois, des contrats de courte durée très bien payés."
Un phénomène qui n'est pas seulement coûteux en termes financiers, mais également en termes sanitaires, observe Olivier Véran : "les missions temporaires ne favorisent pas l'implication dans le projet médical d’établissement, ni la connaissance des procédures, la maîtrise des logiciels informatiques, ou le suivi au long cours des malades."
Des temps pleins… et plus
Les missions temporaires sont une telle manne que certains médecins n'hésitent pas à cumuler leur travail salarié en hôpital, déclaré "à temps plein", avec des missions courtes dans un autre établissement. Une pratique "bien connue […] des directions hospitalières, qui s'en accommodent".
Le groupe de travail coordonné par Olivier Véran recommande "de réduire le recours à l'emploi médical temporaire à l'hôpital aux seules situations transitoires, aux seuls besoins ponctuels qui le justifient, en améliorant le recrutement des médecins à l'hôpital public."
"[Il faut] faire connaître aux médecins en formation l'exercice hospitalier", note-t-il, "et les inciter à en faire leur projet professionnel." Il conviendrait également, selon le rapport, de structurer un "corps" de médecins remplaçants, dont la profession devrait être valorisée.
La création de cellules régionales destinées à aider les établissements à recruter est également proposée, ainsi que le lancement d'une "bourse nationale publique des emplois hospitaliers disponibles".
Olivier Véran invite enfin les pouvoirs publics à réguler le marché, en plafonner les niveaux de rémunération. "Pour tous les types de contrats, le niveau de rémunération d'un médecin en mission temporaire ne saurait excéder celui d'un praticien hospitalier dernier échelon, majoré des indemnités spécifiques et de primes exceptionnelles pour les situations exceptionnelles." Le rapport souligne la nécessité de renforcer les contrôles, et de systématiser les sanctions en cas d'infraction.
Le rapport, présenté le 17 décembre 2013, par le député et neurologue Olivier Véran, estime à 6.000 le nombre de médecins exerçant régulièrement des missions temporaires à l'hôpital public, surtout en début (avant installation) et en fin de carrière.