Quand la cigarette soigne les cancers…
Guérir grâce au tabac. Une clinique privée de Jakarta, en Indonésie, utilise la fumée de cigarette pour traiter les patients atteints d’autisme, de cancer et même de maladies des poumons. 60 000 malades auraient été soignés grâce à cette technique d’après la directrice de l’établissement.
Un aide-soignant envoie de la fumée dans l’oreille d’un vieil homme malade. Dans la chambre d’à côté, une femme qui souffre d’emphysème, les parois des alvéoles de ses poumons se détruisent, se fait souffler de la fumée de cigarette dans la bouche.
La clinique Griya Balur serait interdite sur de nombreux continents, mais pas en Indonésie, le seul pays d’Asie, à ne pas avoir ratifié la convention-cadre de l’OMS pour la lutte contre le tabac.
La directrice de l’établissement, le Dr Zahar, titulaire d’un doctorat en nanochimie obtenu à l’université Padjaran à Bandung, dans l’ouest de Java, affirme sur son site, qu’elle n’a pas besoin de soumettre ses méthodes à des tests cliniques ou publier dans les revues spécialisées. Elle n’a pas non plus d’argent pour "se battre" contre "les scientifiques de la médecine occidentale".
Le principe de ces "Cigarettes Divines" d’après le Dr Zahar : elles contiennent des actifs qui extraient le mercure dans le corps des malades. "Un non sens à la fois médical et physiologique", pour le Dr Patrick Dupont tabacologue à l’Hôpital Paul-Brousse à Paris. Il rappelle que le tabac est justement la première cause d’emphysème, cette maladie des poumons qui détruit les parois des alvéoles des poumons. "Le premier traitement contre l’emphysème est précisément l’arrêt du tabac", ajoute-t-il.
L’existence de Griya Balur, depuis 10 ans, peut s’expliquer par les liens qui unissent l’Indonésie aux fabricants de tabac. Alors que leurs bénéfices décroissent en Occident, ils voient en l’Indonésie l’un de leurs derniers paradis. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la proportion de fumeurs en Indonésie a été multipliée par six en quarante ans. Quelques 400 000 personnes y meurent chaque année de maladies liées au tabac.
Un paquet coûte environ un dollar (0,69 euros), et le tabac représente souvent le deuxième poste de dépense, après la nourriture, pour les foyers les plus pauvres de ce pays d’Asie du Sud-Est. Une forte tradition de tabac, notamment de cigarettes aux clous de girofle (kretek), une faible réglementation, et les milliards de dollars que récolte le gouvernement grâce aux cigarettes, font que les cliniques de ce type ont pignon sur rue.
La fumée de cigarette est très familière aux Indonésiens. On fume dans les salons de beauté et les salles d’attente des dentistes. Certains parents donnent des cigarettes à leurs jeunes enfants, pour qu’ils restent calmes. Des cigarettes sont distribuées gratuitement aux adolescents lorsqu’ils achètent des places de concert.
Chaque année, le gouvernement reçoit 7 milliards de dollars de taxes grâce à ce secteur, qui emploie des milliers de personnes autour de la ville de Temanggung, dans le centre de Java.
Pour les anti-tabac, les industriels du secteur ont recours aux mêmes astuces dans les pays émergents, que ceux utilisés il y a quelques décennies en Occident : faire de la cigarette un symbole de virilité auprès des hommes, la présenter comme cool et sexy, voire bonne pour la santé, auprès des femmes et des enfants.
Un projet de loi sur la réglementation du tabac en 2009 ne mentionnait même pas que le tabac créait une dépendance. Un simple oubli, avait assuré le gouvernement, avant de rectifier la loi.
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