Quand un anticorps vient chambouler l'appétit…
Notre appétit est régulé par l'action d'une hormone, la ghréline, qui renseigne le cerveau sur l'état des réserves constituées par le corps. Mais chez certaines personnes souffrant d'obésité, ce mécanisme de régulation de l'appétit semble déréglé : alors même que la ghréline est sécrétée en quantité normale, voire faible, par l'organisme, le cerveau ordonne une consommation compulsive de nourriture. Ce paradoxe, qui déconcerte les biologistes depuis près de quinze ans, vient d'être élucidé par une équipe franco-japonaise. Leurs travaux sont publiés le 25 octobre 2013 dans Nature Communications.
"Cerveau, nourris-moi !" Lorsque le corps constate que ses réserves diminuent, il alerte le cerveau de l'impérieuse nécessité de passer à table. Une hormone, la ghréline, est le messager mandaté d'office pour ainsi crier famine à l'hypothalamus.
Les physiologistes ont longtemps supposé que les personnes qui se suralimentent en dépit de réserves confortables (hyperphagie) produisaient cette hormone en quantité trop importante. Or, en 2001, des physiologistes étasuniens ont démontré qu'il n'en était rien. Chez un grand nombre de personnes souffrant d'obésité, cette hyperphagie est associée à un taux normal, voire faible, de ghréline.
Quinze années durant, des chercheurs ont scruté l'hypothalamus et la ghréline de ces personnes dans l'espoir de trouver l'anomalie qui résoudrait le paradoxe. Des chercheurs de l'Inserm, en association avec un laboratoire japonais, démontrent aujourd'hui que le responsable de cette hyperphagie est en réalité... un anticorps.
En comparant des échantillons sanguins de patients obèses et de patients sains ou anorexiques, les biologistes ont en effet découvert qu'un certain type d'anticorps, les immunoglobulines IgG, présentait des caractéristiques différentes d'un groupe à l'autre. A la suite de nombreuses expériences, les scientifiques ont démontré que les immunoglobulines des patients obèses présentaient une affinité très forte avec la ghréline. Ces anticorps deviennent alors le véhicule collectif et le bouclier des molécules de ghréline, qui peuvent être acheminés en masse et sans encombre (l'hormone ne se dégrade pas dans le plasma) vers l'hypothalamus.
"Notre découverte ouvre une nouvelle piste pour concevoir des traitements agissant au cœur de ce mécanisme pour réduire l'hyperphagie observée dans le cas de l'obésité, souligne Pierre Déchelotte, co-auteur de l'étude, dans un communiqué. Ces résultats pourraient également être utilisés pour l'étude du phénomène inverse, la perte d'appétit, observée par exemple dans le cas de situations d'anorexie.
Source : Anti-ghrelin immunoglobulins modulate ghrelin stability and its orexigenic effect in obese mice and humans. K. Takagi, P.Déchelotte, A. Inui, S. Fetissov et al. Nature Communications, oct 2013. A paraître.
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