Une expo dévoile les dessous de la séduction
Il "contient les forts, soutient les faibles, ramène les égarés". Voilà comment au XVe siècle, un marchand de corsets présentait dans sa vitrine ses sous-vêtements. Une exposition est consacrée au musée des Arts décoratifs de Paris à ces dessous si particuliers. Les corsets ont structuré la silhouette des femmes, mais aussi des hommes pendant près de huit siècles.
Si aujourd'hui les jeunes filles aiment se déguiser à l'aide de corsets ou de crinolines, pendant des siècles l'utilisation de ces dessous n'était pas un jeu mais un moyen d'affirmer sa place dans la société et aussi de se rapprocher de la silhouette idéale. "Dès le XVIe siècle, il semble que la femme selon les écrits qui portent sur la beauté à cette époque, doit être belle. Et la beauté s'exprime notamment par un corps qui doit être droit en mettant une attention particulière sur ce que l'on appelait la taille belle, c'est-à-dire la taille fine, et avoir principalement une gorge haute, c'est-à-dire une poitrine bien mise en valeur", explique Denis Bruna, commissaire de l'exposition "La mécanique des dessous".
Remonter la poitrine, creuser la taille, accentuer la cambrure des reins grâce à une mécanique complexe de lacets, de baleines et de toiles rigides… les dessous de l'époque réussissent à sculpter le corps des femmes et à leur donner une nouvelle silhouette. Et cette transformation n'est pas temporaire, les corsets portés par les jeunes filles depuis l'enfance déforment progressivement leur squelette et même leur anatomie.
Selon le Pr Raphaël Vialle, chirurgien orthopédiste à l'hôpital Armand Trousseau, le corset avait deux conséquences : "Il déformait les côtes et raidissait du coup la cage thoracique. Deuxième conséquence, en appuyant sur l'abdomen, le corset faisait remonter les viscères intra-abdominaux, notamment le foie qui vient se loger sous les coupoles du diaphragme et pousse vers le haut les poumons. L'ascension du foie perturbait la fonction pulmonaire car il réduisait la place que pouvait prendre les poumons dans la cage thoracique".
Empêcher de respirer pleinement, l'estomac comprimé, les femmes pouvaient être victimes de malaise après un repas copieux ou une émotion trop grande. Corsetées, elles étaient donc contraintes de se tenir droites et de rester sages, et c'est justement ce que l'on attendait d'elles.
Les femmes ne sont pas les seules à avoir triché sur leur profil. Mais la mode a été bien moins contraignante pour leurs compagnons. Une braguette proéminente, un pourpoint rembourré ou une ceinture d'estomac, les hommes ont eux aussi usé d'artifices avant qu'un vent de liberté ne souffle sur l'Europe.
Avec la Restauration, les corsets réapparaissent accompagnés d'une grande variété de paniers utilisés pour accentuer de manière démesurée les hanches et donner l'illusion d'une taille encore plus fine. Puis au début du XXe siècle, le corps tente de se libérer à nouveau, le corset est remplacé par le soutien-gorge qui offre à la femme une plus grande liberté de mouvement.
Les dessous n'ont toutefois pas fini de modeler nos chairs. Le soutien-gorge ampliforme, la gaine et les sous-vêtements rembourrés permettent encore aux victimes de la mode d'approcher la perfection. Et d'autres moyens font peu à peu leur apparition. "Femmes et hommes de notre époque contemporaine modèlent encore leur corps mais moins aujourd'hui par des dessous que par les régimes qui sont omniprésents dans notre société, également par le sport et par la chirurgie esthétique de plus en plus importante", note Denis Bruna, commissaire de l'exposition.
Le corset n'a pas été complètement remisé au placard. Il est devenu un vêtement à part entière réservé aux moments d'exception.
Y aller :
- Musée des Arts décoratifs
Exposition "La mécanique des dessous"
Du 5 juillet 2013 au 24 novembre 2013
107 rue de Rivoli - 75 001 Paris