Noël : du bisphénol A dans certains jouets ?
Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien. Cette substance est présente dans de nombreux produits de la vie quotidienne alors qu'on la soupçonne d'être dangereuse pour la santé. Les députés avaient adopté en première lecture du projet de loi sur la santé un amendement écologiste interdisant le bisphénol A dans les jouets. Mais, les sénateurs ont ensuite voté un amendement du gouvernement introduisant un "seuil minimal de présence de bisphénol A" à ne pas dépasser. Pour les écologistes, c'est un cadeau fait aux industriels.
Hochets, peluches, petites voitures, poupées… Dans une semaine, tous ces jouets seront sous le sapin pour le plus grand bonheur des enfants. Mais, à l’heure des dernières courses, certains parents s'interrogent : comment être sûr que ces produits sont sans danger pour les enfants ?
Sur les jouets, l'indication de composition n'est pas obligatoire. Par exemple, il est impossible de savoir s'ils contiennent du polycarbonate. Ce matériau est très dur, difficilement inflammable, mais il contient du bisphénol A.
André Cicolella, toxicologue et président du Réseau Environnement-Santé, précise : "le bisphénol A est un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire une substance qui perturbe le fonctionnement du système hormonal. Cette substance est impliquée dans les cancers (les cancers du sein et de la prostate), dans les troubles du métabolisme comme l’obésité, le diabète et donc les maladies cardiovasculaires, dans les troubles du comportement et de la reproduction".
Bisphénol A : un seuil maximal défini par la Commission européenne
A cause de ces risques, la Commission européenne a fixé l’an dernier un seuil de migration maximal du bisphénol A vers les enfants à 0,1 milligramme par litre. Cette limite concerne les jouets destinés aux moins de 3 ans.
Près de Paris, le laboratoire national de métrologie et d’essais vérifie que les plastiques des jouets ne dépassent pas ce seuil. Thierry Vincelot est le responsable du département chimie des matériaux. Il explique : "pour simuler la mise en bouche des jouets par des enfants en bas âge, la norme stipule que l’on doit réaliser un essai dans un milieu aqueux pour reproduire la salive. La limite de détection en laboratoire est très inferieure à celle exigée par la directive européenne des jouets".
En novembre 2015, le gouvernement a décidé de continuer à accepter un seuil minimal de bisphénol A pour les jouets. Une décision saluée par les industriels du secteur. Selon Martial Doumerc de la Fédération française des industries du jouet et de la puériculture, "on est sur des niveaux d’exposition qui sont 7.000 fois moins que la dose journalière admissible donc on peut dire que l’apport en contribution d’exposition du jouet est quasi-nul. Aujourd’hui, les fabricants sont toujours dans le développement et aussi dans l’adaptation des règlements. Ils feront le nécessaire pour que les jouets mis sur le marché ne soient pas dangereux".
Les députés écologistes pour une interdiction totale du bisphénol A
Pas de quoi rassurer pourtant les députés écologistes qui demandent l’interdiction total du bisphénol A. Un avis partagé par le toxicologue André Cicolella : "cette réglementation sur les limites maximales est complètement obsolète. Elle ne protège pas la population. Elle est basée sur les concepts des années 1960-1970. Nous sommes en 2015 : il faut tenir compte de la science d’aujourd’hui. Pour le bisphénol A, comme pour les perturbateurs endocriniens, on sait que les effets peuvent être plus forts à faible dose qu’à forte dose parce que c’est comme ça que fonctionne le système hormonal. Il est régulé de cette façon-là."
Source d’inquiétude supplémentaire : il existe un "effet-cocktail". Les perturbateurs endocriniens contenus dans certains jouets s’ajoutent à ceux auxquels les enfants sont exposés pendant la grossesse et à ceux présents dans d’autres produits de la vie quotidienne.