Bientôt la fin des ordonnances pour consulter un kiné ?
Ce sont des mesures qui pourraient ravir les patients dépourvus de médecins traitants ou qui peinent à consulter un généraliste dans des délais raisonnables faute d’un nombre de praticiens.
Au Sud d’Orléans, un coin de France reconnu comme désert médical. Pour le patient, ici, les parcours de soins peuvent être compliqués même pour de petits incidents du quotidien.
Christelle a obtenu une ordonnance indispensable pour voir un kinésithérapeute aux urgences faute de médecin dans la région.
"Je suis allée chercher ma baguette. En sortant, j’ai descendu le trottoir sauf que je me suis tordue la cheville. Le lendemain matin, le pied avait bien enflé et était tout bleu. Sachant que chez mon médecin, je n’avais pas rendez-vous le lendemain. Je me suis dit que s'il fallait une radio et après encore attendre un délai de radio, c'était préférable d'aller aux urgences", explique Christelle Kuntz.
Une solution pour pallier le manque de médecins?
5 heures d’attente aux urgences ont été nécessaires pour récupérer son ordonnance. Aucune fracture n’a été détectée à la radio.
"Cette patiente-là s'il y avait un accès direct à la kiné, à l’évaluation j’aurais pu avoir la même conclusion, la radio n’était pas nécessaire pour évaluer s'il y avait fracture ou une entorse. Donc on aurait pu éviter une radio et les 5 heures aux urgences qu’elle a passé", explique Morgan Colas, masseur-kinésithérapeute.
Cet accès direct au kinésithérapeute sans passer par un médecin est actuellement en discussion au Parlement. Ce serait une solution pour pallier le manque de médecins et désengorger les urgences.
Des médecins crient au scandale
Les kinésithérapeutes y voient aussi un autre avantage, celui de permettre des rééducations plus précoces et donc plus efficaces.
"Dans certains cas et dans certaines pathologies comme la lombalgie, on va avoir une diminution du nombre de séances si le kiné arrive plus tôt dans le traitement du patient", confirme Morgan Colas.
Cette proposition des parlementaires scandalise les médecins. Dans un courrier, le conseil national de l’ordre des médecins estime que, "cette prise en charge, déconnectée de tout diagnostic médical et de toute stratégie thérapeutique globale, conduira à des retards de diagnostic et à une perte de chance pour les patients".
Le ministre de la santé, Olivier Véran a réagi au Sénat le 8 novembre dernier.
"Quand je vois que l’ordre national pour lequel j’ai beaucoup de respect fait des communications pour torpiller toute velléité qui consiste à permettre à des soignants paramédicaux parfaitement compétents de participer de l’offre de soins dans les territoires, je me dis que ce n’est pas ici, au Sénat, dans la maison des élus locaux, qui m’écrivent du matin au soir pour me dire qu’on manque de soignants et que les Français n’ont pas accès aux soins qu’on va nous empêcher d’avancer", commente Olivier Véran.
"Le médecin doit rester le pivot de la prise en charge"
Discuter de prises en charge de patients directement au Parlement sans consulter des professionnels de santé est, pour ce président de syndicat de médecins, inacceptable.
"Il parle du conseil national de l’ordre, il oublie que tous les syndicats médicaux s’y sont opposés. Le médecin doit rester le pivot de la prise en charge dans la démarche diagnostic et dans la démarche thérapeutique. Bien sûr dans un parcours de soins coordonné avec d’autres professionnels de santé, il faut organiser différemment et faire évoluer nos métiers mais c’est bien aux professionnels de santé de le faire et ce n’est certainement pas aux parlementaires qui le font au hasard d’un amendement à un projet de loi", explique le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français.
L'autre problème souligné par les médecins est que dans les déserts médicaux, il manque également des kinésithérapeutes.