Grands prématurés : tous les 10 ans, le seuil de viabilité recule d’une semaine
Selon deux études récentes, la prise en charge de ces nourrissons a été grandement améliorée. Aujourd’hui, des bébés nés à 22 semaines de grossesse survivent.
"Je fais ce métier depuis 40 ans, et j'ai vu le seuil de viabilité [des bébés prématurés] reculer d'une semaine tous les 10 ans dans mon hôpital", affirme Edward Bell, médecin en néonatalogie et professeur de pédiatrie à l'Université de l'Iowa. Alors que dans les années 1980, l'âge gestationnel minimum pour la viabilité était fixé à 28 semaines [1], aujourd’hui, des bébés nés à 24, 23 voire 22 semaines de grossesse survivent. En février dernier, un bébé japonais pesant 268 grammes et né à 24 semaines de grossesse a même fait la une des journaux du monde entier. Le nourrisson est sorti après cinq mois d'hospitalisation, en bonne santé. Deux études, parues le 25 et le 26 mars dans la revue de l'Association médicale américaine (Jama), expliquent cette amélioration.
Un meilleur taux de survie sur un an
La première étude parue dans le Jama a observé la survie des très grands prématurés en Suède entre 2004 et 2016. Deux cohortes d’environ 2.000 nourrissons nés entre 22 et 26 semaines de grossesse ont été formées. La première était constituée de bébés nés entre 2004 et 2007, la seconde entre 2014 et 2016. Résultats : le taux de survie sur un an était de 70% pour la première cohorte, et de 77% pour la seconde. Une nette amélioration, estiment les chercheurs.
Entre 2004 et 2016, la Suède a en effet uniformisé et amélioré les procédures de réanimation des nouveau-nés. L’intubation immédiate, l’administration de médicaments et le transfert rapide vers une unité de soins intensifs néonatals sont désormais systématiques.
Une meilleure prise en charge des très petits poids
La seconde étude se concentre sur la survie des rares bébés pesant moins de 400 grammes à la naissance. Entre 2008 et 2016 aux Etats-Unis, 13% de ces bébés, nés entre 22 et 26 semaines de grossesse, ont survécu. Le risque de complications reste néanmoins élevé, puisque les trois quarts d’entre eux montraient des retards de développement à deux ans. "On ne peut pas affirmer que ces bébés doivent toujours être réanimés, mais les parents doivent recevoir cette information et avoir leur mot à dire pour décider de la réanimation", développe le Dr Edward Bell, coauteur de l'étude.
Des progrès majeurs depuis les années 1990
En matière de soins apportés aux prématurés, trois avancées essentielles, généralisées depuis les années 1990, sont à noter. Il y a tout d’abord l'invention des surfactants pulmonaires artificiels, des matériaux pensés pour remplacer des substances normalement présentes dans les poumons que les grands prématurés ne produisent pas encore. Il y a ensuite l'injection de stéroïdes à la mère juste avant l'accouchement, qui fait maturer les poumons du bébé d'une semaine en un jour. Les appareils respiratoires, enfin, ont été largement améliorés.
Mais il existe toutefois de grandes disparités en fonction des pays, voire des hôpitaux. Aussi, une dernière étude parue dans le Jama le 25 mars fait état d’une ségrégation géographique entre Noirs et Blancs qui se reproduit dans les établissements de santé : les bébés prématurés noirs naissent dans des centres de moins bonne qualité. Pour arriver à ces résultats, des chercheurs américains ont défini une cohorte de 117.982 grands prématurés.
En France, le nombre de naissances prématurées est en hausse. Selon l’Inserm, "la prématurité est passée de 5,9% des naissances en 1995 à 7,4% en 2010. Entre 50.000 et 60.000 enfants naissent prématurément chaque année. Parmi eux, […] 10% sont de grands prématurés (28-32 SA) et 5% sont de très grands prématurés".
[1] Une grossesse normale dure 40 semaines. Le poids normal d'un bébé est compris entre 2.600 grammes et 4.000 grammes, avec une moyenne de 3.500 grammes. Avant 37 semaines, les bébés sont catégorisés prématurés. A 28 semaines, ils ne pèsent que 1.000 grammes.