Bébés nés sans bras : poursuite des investigations en Bretagne uniquement
Une éventuelle cause commune aux bras malformés de trois enfants dans un village du Morbihan va être recherchée à partir de cet automne. En revanche, pour le comité d'experts scientifiques, le nombre de familles touchées dans l'Ain n'est pas anormal.
Le verdict est sans appel. Selon le Comité d'experts scientifiques (CES) qui vient de rendre son rapport, il n'y a pas un nombre inquiétant d'enfants nés avec un bras malformé dans l'Ain. C'est seulement autour des trois familles touchées dans le Morbihan que des investigations supplémentaires seront lancées cet automne.
Un bilan qui contredit les alertes lancées par le REMERA, le Registre des Malformations en Rhône-Alpes depuis des années. Parmi les clés du décalage : une définition plus précise des malformations considérées. Il s'agit d'atteintes d'un seul membre, le bras, dans sa longueur, et qui ne touchent aucun autre organe autrement dit, en terme médical des Agénésies Transverses du Membre Supérieur (ATMS).
Rien d'anormal dans l'Ain
"L'examen réalisé des dossiers transmis par le REMERA conduit le Comité à retenir six enfants porteurs d'une anomalie, explique le Pr Alexandra Benachi, présidente du Comité d'experts. Dans l'Ain, sur la période et la zone géographique considérées, cela ne correspond pas à une situation anormale, c'est-à-dire au dessus des 1,7 naissances sur 10 000 habituellement recensées."
En revanche, l’analyse des signalements provenant de Bretagne conduit les experts à y valider l’existence d’une alerte, un "cluster" pour lequel ils demandent la poursuite de recherches. Selon eux, trois enfants sont en effets nés avec une ATMS sur une période de 22 mois dans un seul village… Mais c’était il y a plus de dix ans, entre 2007 et 2008, ce qui va compliquer l’enquête.
Investigations sur une éventuelle cause commune en Bretagne
En effet, les pesticides et autres produits utilisés dans les champs voisins sont parmi les premiers suspects. Mais selon la réglementation, les registres sur des essais particuliers ne doivent être conservés que 5 ans. "La diffusion d’informations sur les éléments suspectés par les médias grand public risque d’avoir entraîné la destruction des preuves par les exploitants agricoles", déplore le Pr Benachi.
Le Comité recommande néanmoins le recueil par l’ANSES de toutes les informations disponibles. Santé Publique France doit aussi rassembler les données déjà existantes sur la qualité de l’air et de l’eau autour des domiciles concernés. A la déception des familles qui l’espérait, aucun prélèvement sur place n’est programmé pour l’instant, notamment en raison de l’absence de naissances touchées récemment.
La présidente du comité d’experts tient pourtant à souligner l’importance de la mobilisation à venir en Bretagne. "Nous nous donnons tous les moyens de trouver une éventuelle cause commune aux malformations du Morbihan, insiste le Pr Benachi. Mais nous devons reconnaître que la probabilité de l’identifier après toutes ces années est infime."
Quant à l’alerte issue de Loire-Atlantique, l’absence de registre de recensement des anomalies dans cette région, n’a pas permis au Comité d’experts de conclure avant l’été. Des recherches restent en cours.
Des moyens supplémentaires requis pour des alertes plus rapides
Une certitude : cette "affaire des bébés sans bras" traduit au moins pour les scientifiques sollicités un manque de moyens dans la surveillance des malformations en France. "Aujourd’hui, cela prend deux ans aux registres pour traiter leurs données et mettre au jour une éventuelle anomalie, constate Alexandra Benachi. Il faut des moyens humains et matériels supplémentaires pour gagner du temps."
Le Comité propose ainsi la création d'un septième registre de recensement régional des malformations. Il espère surtout la mise en place de dispositifs d'alerte plus rapide qui s'appuieraient par exemple sur les Centres de Diagnostic prénatal et les échographistes. Ainsi, un nombre anormal de naissances touchées par une malformation pourraient vite faire l'objet d'investigations. Et de mesures de prévention à la moindre identification de cause suspecte.