SEP : les bénéfices des traitements de fond
Les traitements de la sclérose en plaques rémittente-récurrente ont plusieurs intérêts. Ils diminuent la fréquence des poussées et ils freinent aussi l'évolution vers une forme progressive.
Réduire les poussées
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie du cerveau et de la moelle épinière. Elle se manifeste dans 85% des cas par une forme rémittente-récurrente, caractérisée par des poussées (avec apparition de symptômes ou exacerbation d'anciens). Elles s'expliquent par une inflammation et une destruction de la gaine de myéline, qui entoure les nerfs et favorise la transmission des informations. Dans les 15% restant, les patients souffrent d'une forme progressive, où le handicap se majore progressivement, et qui est plus problématique du fait de l'absence de médicament. D'autres mécanismes que l'inflammation interviendrait dans la forme progressive.
A l'inverse de la SEP progressive, la SEP rémittente-récurrente a bénéficié des grands progrès de la recherche et plusieurs traitements de fond existent. Ils sont destinés à réguler l'activité de la maladie et ils servent à diminuer l'inflammation et le nombre de poussées, pour réduire le handicap qui en résulte. On sait par exemple que les traitements de première ligne, autrement dit administrés en première intention, diminuent de 30 à 45% contre un placebo, la fréquence des poussées. Il s'agit de l'interféron, du glatiramère, du diméthyl fumarate et du tériflunomide. Et ils réduisent aussi le nombre de nouvelles lésions sur l'IRM d'environ 60%.
Quant aux traitements de seconde ligne, ils sont utilisés en cas d'inefficacité des traitements précédents, ou de forme très agressive de la maladie (multiplication des poussées, progression du handicap). Ils sont composés du fingolimod, du natalizumab, de la mithoxantrone, qui diminuent la fréquence des poussées de 54 à 70% (étude comparant leur efficacité à un comparateur, le traitement standard, et non à un placebo). (Source : Aquisep)
Deux autres médicaments sont utilisés de façon plus récente, l'ocrélizumab, qui a été autorisé par l'Agence européenne du médicament (EMA), dans le traitement de la SEP récurrente-rémittente et de la SEP progressive primaire (d'emblée, sans passer par une phase avec poussées). Et le rituximab, bien connu des hématologues, pourrait être une option intéressante, il est pour le moment utilisé en dehors d'une autorisation de mise sur le marché dans cette indication.
Freiner l'évolution vers une forme progressive
Les traitements de fond ont un autre objectif, éviter l'évolution de la forme rémittente en forme secondairement progressive. Ce qui était le cas de 80% des patients au bout de 20 ans à l’époque où les patients ne bénéficiaient pas tous d’un traitement dès le début de la maladie.
Une étude publiée dans le JAMA, le 13 novembre 2018, confirme leur intérêt sur l'évolution de la maladie. 1 555 patients de 21 nationalités différentes, ont été inclus entre 1988 et 2012 et ils ont été comparés à des patients non traités. Ceux qui bénéficiaient d'un traitement présentaient un risque moindre d'évoluer vers une forme secondaire progressive.
"C'est une information déjà connue mais importante, confirme le Pr Bertrand Bourre, neurologue. Mais c'est la première fois que ce résultat est montré sur autant de patients et durant une aussi longue période de temps de 25 ans. C'est aussi très intéressant de voir l'évolution de la prise en charge sur 25 ans. On traite de plus en plus tôt et de plus en plus fort".
Traiter plus fort et plus tôt
Déjà en 2010, le Pr Emmanuelle Leray avait publié une étude comparant l'évolution des patients en fonction de l'EDSS, le score chiffrant le handicap des patients et qui s'étend de 0 (pas de handicap) à 10 (décès en lien avec la SEP). "On sait qu'il faut éviter d'atteindre l'EDSS 3, rappelle le Pr Bourre. Et l'étude du JAMA confirme le fait qu'il faut traiter vite et fort pendant la période inflammatoire."
Elle précise l'intérêt de traiter précocement pour freiner l'évolution : "Les patients en traitement de 1e ligne et qui ont commencé avant 5 ans de maladie ont une progression plus faible, analyse le neurologue. Les patients traités avec un médicament de première ligne, qui ont eu une évolution dans les 5 ans et qui sont passés en 2nde ligne, ont encore de meilleurs résultats : il ne faut pas hésiter à changer de traitement dans les premières années."
Le neurologue pointe toutefois une limite à l'étude : "il y a une disparité des patients : les données sont issues de plusieurs pays (anglophones,) où les habitudes de prise en charge mais aussi l’accès à certains médicaments, sont différents. Il n'y a pas forcément de contrôle de qualité des données recueillies et que les traitements soient administrés au même stade de maladie."
D'autres molécules, non étudiées dans l'étude, comme le tériflunomide, le diméthyl fumarate, le rituximab et l'ocrélizumab ralentissent aussi la progression de la maladie : "Mais on n'a pas encore le recul que l'on a avec les molécules de l'étude", explique le Pr Bourre.
De plus, il faut rappeler que le choix d'un traitement se fait de façon individualisée, en évaluant les bénéfices et en les comparant aux risques potentiels ; il nécessite une discussion éclairée entre le patient et son neurologue.