Loi Evin assouplie dans la loi Macron : le lobby de l'alcool perd une bataille
Alors qu'un texte de loi voté au parlement prévoyait l'assouplissement de la publicité pour l'alcool, sous l'égide des lobbies vinicoles, le Conseil constitutionnel l'a finalement censuré. Une victoire, contre toute attente, pour les alcoologues et les associations de lutte contre les addictions.
En juin dernier, l'amendement avait provoqué l'ire des défenseurs de la loi Evin. Le texte César, du nom du député à l'initiative du projet, prévoyait de distinguer clairement la notion de publicité et d'information concernant l'alcool. Mais en réalité, pour les opposants au texte, il s'agissait de libéraliser sans limite la publicité pour les boissons alcoolisées. L'objectif des partisans du texte était de pouvoir permettre aux journalistes, au cinéma ou à la culture, d'évoquer l'alcool, sans pour autant être taxés de publicitaires. La presse aurait donc pu ainsi parler d'un domaine ou d'un terroir viticole en toute liberté et à titre purement informatif.
Le projet de loi était incorporé à la très controversée loi Macron. Après un parcours parlementaire mouvementé, la loi avait franchi non sans mal un dernier obstacle le 5 août en recevant l'assentiment quasi total du Conseil constitutionnel, qui avait tout de même censuré certaines dispositions importantes. Dont le texte César.
La pression des lobbies vinicoles
Pour les sages, ce texte a été adopté selon une procédure "contraire à la Constitution", c'est-à-dire considérée comme un "cavalier législatif". Plus simplement, ce texte n'avait rien à voir avec l'objet du projet de loi : l'économie et la croissance. Sous couvert d'excuses procédurières, c'est bien la question des lobbies de l'alcool que soulève cet amendement. Si ce texte est inclus dans un projet de loi économique, et non santé, ce n'est pas sans raison. Derrière la notion de clarification des termes "publicité" et "information", c'est bien le marché du vin que souhaitent protéger les députés.
Libéraliser la publicité pour l'alcool est un des chevaux de bataille des producteurs de vin notamment. Parmi les 29 sénateurs qui ont déposé cet amendement, 28 sont issus de régions vinicoles, comme nous le rappelait notre journaliste Rudy Bancquart, spécialiste de lobbies, le 10 juin dernier. "Ce n'est plus un hasard, on a bien affaire à du lobbying et certains députées ne s'en cachent pas" ajoutait-il.
La guerre pas encore gagnée ?
L'annonce des sages devrait ravir bon nombre de partisans de la santé publique, à commencer par la ministre de la Santé, opposée à l'amendement. Les associations de lutte contre l'alcoolisme n'ont pas tardé à réagir, à l'instar de l'Alliance Prévention Alcool, qui se réjouissait de l'abandon de "cet article de pure complaisance" dans un communiqué.
Pour d'autres, plus septiques, la victoire est loin d'être gagnée. "Compte tenu des offensives répétées du lobby alcool, sous couvert du développement de l’oenotourisme, il ne fait aucun doute que la mesure pourrait être réintroduite dans un autre texte" appréhende la Fédération Addiction dans un communiqué. Pour beaucoup, la possibilité de faire de la publicité incitative pour de l'alcool augmenterait de facto la consommation, notamment celle des plus jeunes. L'alcool est l'une des causes principales de morts évitables en France. Chaque année, ces boissons tuent 49.000 Français.
Une loi Evin déjà affaiblie à plusieurs reprises
En 1991, la loi Evin prévoyait l'interdiction de publicité pour l'alcool à la télévision, dans les cinémas et sur les affichages. Mais dès 1994, la promotion de l'alcool est de retour sur les affiches. Alors que les publicités ne pouvaient comporter que des notions neutres comme le nom de domaine ou encore le degrés d'alcool, en 2005, les publicités ont de nouveau pu faire référence à la couleur, l'odeur, etc., "ce qui laisse la porte ouverte à des données très subjectives", regrette Claude Evin dans Le Parisien le 7 juin.