Les Français sous-estiment les dangers du tabac
Les fumeurs estiment qu’il faut fumer en moyenne 12 cigarettes par jour pendant 16,5 ans pour avoir un risque de développer un cancer dû au tabac.
Selon le Baromètre cancer 2015, publié mardi par Santé Publique en France, les Français se disent bien informés sur les effets du tabac sur la santé, trois quarts des fumeurs quotidiens craignent d’avoir eux-mêmes un cancer lié au tabac. Cependant, leur perception du seuil de dangerosité est largement sous-estimée.
Dr Philippe Girard, pneumologue à l’Institut Mutualiste Montsouris (Paris), a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- A partir de quel seuil le tabagisme est dangereux ? Est-ce que c’est à partir de 12 cigarettes par jour pendant 16 ans ?
Dr Philippe Girard : "C’est complètement faux ! Il n’y a pas de seuil. Evidemment, le risque est moins élevé si on fume 5 cigarettes par jour pendant 5 ans que si on fume 50 cigarettes par jour pendant 50 ans, mais le risque existe même avec un niveau très faible de tabagisme. 12 cigarettes pendant 16,5 jours, c’est déjà un risque très élevé, ça doit multiplier le risque de cancer par trois ou quatre par rapport à quelqu’un qui n’a jamais fumé."
- Selon ce baromètre, 9 fumeurs sur 10 se disent bien informés sur les effets du tabac sur la santé. Le sont-ils vraiment ?
Dr Philippe Girard : "Visiblement, ils ne sont pas si bien informés que ça, et d’autre part, quand on interroge les patients, les risques du tabac sont très souvent sous-estimés par les fumeurs, pas par les non-fumeurs qui au contraire peuvent avoir tendance à les surestimer parfois."
- Autre enseignement de ce baromètre : la perception des risques liés au tabagisme est plus faible parmi les personnes les moins diplômés…
Dr Philippe Girard : "Il y a un mélange de défaut d’information, l’information est mieux comprise et lue par les personnes des niveaux socio-économiques plus élevés, mais il y a aussi probablement l’entourage qui joue : le raisonnement est sans doute plus accessible à des niveaux socio-économiques plus élevés. Si on doit faire de la prévention pour diminuer le tabagisme, il faut plutôt le faire auprès des populations peu diplômées."
- Selon ce baromètre, seuls 3 fumeurs sur 10 disent avoir parlé du tabac avec un médecin au cours de l’année. Est-ce que cela signifie que les médecins délaissent trop souvent cette question ?
Dr Philippe Girard : "Oui manifestement, mais probablement pas les pneumologues et les cardiologues. Certains médecins sont plus sensibilisés que d’autres. En tout cas, ça n’est pas bien qu’un médecin ne parle pas systématiquement du tabac. Pour ma part, je demande systématiquement aux patients s’ils fument et s’ils répondent oui, je leur dit d’arrêter tout de suite."
- L’arrêt du tabac permet-il d’annuler ou de réduire les risques quelle que soit la quantité de tabac fumé et la durée du tabagisme ?
Dr Philippe Girard : "Le fait d’arrêter, c’est le meilleur moyen de réduire le risque de décéder d’un cancer du poumon, il n’y a pas de meilleur moyen. Quand j’étais étudiant, on disait que le fait d’arrêter de fumer nous faisait revenir au risque de quelqu’un qui n’avait jamais fumé au bout de douze ans. On sait aujourd’hui que c’est faux. On garde toujours un risque, plus élevé que ceux qui n’ont jamais fumé mais par contre, il y a toujours un bénéfice à arrêter de fumer pour les poumons et pour le cœur."