Mucoviscidose : un nouveau traitement "impressionnant" autorisé aux Etats-Unis
Une trithérapie efficace pour enrayer la mucoviscidose vient d’être autorisée aux États-Unis pour les malades de plus de 12 ans. Une autorisation que les patients attendent avec impatience en France.
C’est un traitement qui pourrait révolutionner la vie des personnes souffrant de mucoviscidose. Trente ans après la découverte du gène causant cette maladie rare et incurable, un nouveau traitement a été approuvé aux Etats-Unis pour les patients âgés d'au moins 12 ans.
Il procurerait des "bénéfices impressionnants" par rapport à ce qui existait jusqu'à présent, selon Francis Collins, patron des Instituts nationaux de santé aux États-Unis. C’est pourquoi la Food and Drug Administration (FDA) a donné son feu vert le 21 octobre, sur la base d'essais cliniques publiés dans les revues médicales New England Journal of Medicine (NEJM) et The Lancet.
82% des malades concernés
De quoi s’agit-il ? Ce médicament, le Trikafta, est une trithérapie, qui associe donc trois molécules : elexacaftor, tezacaftor et ivacaftor. Il se présente sous forme de comprimés : deux à prendre le matin et un le soir. Développé par les laboratoires Vertex, le Trikafta est une thérapie dite protéique : "ce n’est pas une thérapie génique car il ne cible pas le gène responsable de la maladie, mais le produit de ce gène qui est une protéine défectueuse" nous explique Pierre Foucaud, président de l’association Vaincre la Mucoviscidose.
A ce titre, "ce traitement s’inscrit dans le chapitre de la médecine personnalisée" ajoute-t-il. "Il ne concerne que les patients porteurs de cette mutation, soit tout de même 82% des malades."
"Une percée formidable"
Et son efficacité est aujourd’hui avérée : ce médicament améliorerait de 10 à 14% les fonctions pulmonaires des patients, par rapport respectivement à un placebo et un traitement existant. Un chiffre très conséquent pour la qualité de vie de gens qui ont perdu, par exemple, 60% de leur capacité respiratoire.
"C'est une percée formidable et une grande nouvelle pour les gens atteints de mucoviscidose", a célébré dans un communiqué Preston Campbell, le président de la fondation américaine de la mucoviscidose, Cystic Fibrosis Foundation.
Enfants, femmes enceintes et malades greffés sont exclus
Un avis que partage Pierre Foucaud : "on a bien conscience que c’est un tournant majeur dans la prise en charge de ces patients, avec néanmoins quelques réserves". La première réserve qu’il émet est relative à l’âge minimum d’attribution du traitement, en déplorant que les moins de 12 ans ne soient pas encore inclus.
"Puisque ce médicament enraye la maladie, plus les patients seront jeunes au début du traitement, plus il sera efficace à long terme" avance Pierre Foucaud. Aux États-Unis, des essais sont en cours pour tester Trikafta sur les enfants âgés de 6 à 11 ans et pourraient donc permettre dans les prochaines années de revoir à la baisse l’âge minimum de prescription.
Autres limites : les 900 patients français greffés pulmonaires, les femmes enceintes ou avec un projet de grossesse ne peuvent pas recevoir ce traitement, faute d’informations solides de l’effet du médicament dans ces cas particuliers.
Enfin, "il faudra s’assurer que les résultats dans la vie réelle confirment les résultats des essais cliniques" note le président de l’association. "Il n’y a pas de raison qu’ils diffèrent mais la notion de tolérance au traitement impose la prudence : un temps d’exposition suffisant à un médicament est toujours nécessaire pour valider son efficacité."
A quand une autorisation européenne ?
Si aux États-Unis, l’approbation de la trithérapie représente "un moment historique", comme l’a déclaré le docteur Raksha Jain, auteur principal de l'étude parue dans le NEJM, ce n’est pas encore le cas en France.
Une demande d'autorisation vient d'être déposée auprès de l'Agence européenne des médicaments et la réponse de cette instance est attendue "avec impatience", confie Pierre Foucaud.
"La FDA a donné son autorisation en un délai record de quelques semaines compte tenu de la solidité des études et de l’espoir suscité immédiatement. On espère bénéficier de cette même procédure accélérée en Europe", reconnaît-il. "Car sans cette procédure accélérée, l’autorisation ne pourrait être donnée que fin 2020, ce qui ne nous paraît pas éthiquement acceptable" poursuit le président de Vaincre la Mucoviscidose.
Des délais d’attente "insupportables"
D’autant qu’il peut encore s’écouler beaucoup de temps entre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et la mise à disposition des patients. Ce fut le cas pour le médicament Orkambi, raconte Pierre Foucaud. "Son AMM européenne date de 2015 mais, faute d’accord sur le prix entre le laboratoire et les autorités de santé, Orkambi ne dispose quatre ans plus tard que d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) pour les plus de 12 ans seulement" rappelle-t-il.
"Cela signifie que depuis deux ans et toujours actuellement, des enfants sont privés de ce médicament alors que lui aussi participe à ralentir l’évolution de la maladie" s’indigne le président de Vaincre la Mucoviscidose. "Quatre ans d’attente dans la vie d’une personne atteinte de mucoviscidose, dont l’âge moyen au décès est de 33 ans, c’est insupportable." Pour le Trikafta, "il va donc falloir s’entourer de vigilance pour surveiller le délai de mise sur le marché".
150 autorisations nominatives en France
Pour le moment, les laboratoires Vertex ont accepté le principe d’une ATU nominative pour leur trithérapie en France. Celle-ci sera réservée à 120 ou 150 patients parmi les plus atteints, avec une fonction respiratoire extrêmement dégradée ou en attente de greffe du poumon. Les centres de soins sont actuellement en train de sélectionner les patients pour soumettre à l’ANSM une liste de personnes éligibles à cette ATU, qui sera en dernier ressort validée par les laboratoires Vertex.
Mais même si le Trikafta offre de nouveaux espoirs, "le grand jour (...) sera celui où les plus de 70.000 personnes atteintes de mucoviscidose dans le monde n'auront plus besoin de médicaments car une guérison permanente existera pour tout le monde" s’autorise finalement à rêver Francis Collins, patron des Instituts nationaux de santé aux États-Unis, dans un éditorial.