Insuffisance rénale : des inégalités d'accès aux traitements
Si vos reins ne fonctionnent plus normalement, votre état nécessite peut-être une dialyse ou même une greffe de rein. Alors, vous serez plus ou moins bien pris en charge en fonction de votre lieu d'habitation. C'est ce que dénonce un député dans une lettre adressée à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Les explications de Gérard Bapt, député de Haute-Garonne et auteur de ce courrier.
- Comment expliquer ces disparités géographiques importantes pour se soigner quand on a une insuffisance rénale ?
Gérard Bapt : "Nous sommes ridiculement bas quand nous comparons avec les autres pays européens en ce qui concerne la dialyse à domicile. C'est le traitement le plus confortable pour le patient et le moins cher. Cela représente une qualité pour le malade et une efficience pour nos finances.
"Les disparités régionales aussi sont importantes. Ce n'est pas normal qu'entre l'Aquitaine et la Franche Comté, le rapport de dialysés à domicile soit de un à dix. Cela s’explique par des résistances corporatistes et commerciales. Car il y a beaucoup d'intérêts en jeu. La rentabilité des unités de soins de dialyses en hospitalisation nécessitant des transports sanitaires est la plus importante de tous les établissements de santé."
- Comment peut-on expliquer qu'en France il y a 5% de prise en charge de dialyses à domicile alors qu'il y en a presque 25% en Suède ou aux Pays-Bas, par exemple ?
Gérard Bapt : "Depuis plusieurs années, ces pays ont inscrit dans leur plan de réorganisation de leur offre de soins la nécessité d’être plus efficient et d’apporter un meilleur service. En France, on se heurte à beaucoup de résistances qui vont à l’encontre des objectifs du gouvernement."
- Concrètement, quand vous parlez de corporatisme, les transports sanitaires, les ambulanciers font du lobbying pour qu'on ne laisse pas les patients dialysés chez eux ?
Gérard Bapt : "Il ne s’agit pas des ambulanciers car la prescription ne dépend pas d’eux. Il s’agit plutôt des corporations médicales et hospitalières. Ces dernières ont intérêt à ce que la situation ne bouge pas puisqu'elle est plus rentable pour elles. L'association Renaloo, avec laquelle je travaille, ressent bien la force de ces résistances lorsqu'il y a une commission de travail dans les Agences Régionales de Santé (ARS) pour évaluer la meilleure efficience thérapeutique pour l’insuffisance rénale."
- Les patients victimes d'insuffisance rénale sont-ils bien informés sur la possibilité d'une dialyse à domicile, par exemple ?
Gérard Bapt : "Non. Les patients sont mal informés sur la dialyse à domicile, mais aussi sur les démarches à faire pour être inscrit sur la liste d'attente pour bénéficier d'une greffe. Nous demandons aussi plus de transparence sur les données relatives à chaque établissement.
"Aujourd'hui, il faut une agrégation régionale pour que ces données soient externalisées et donc on ne sait pas quel établissement répond le mieux aux indicateurs établis par la Haute Autorité de Santé (HAS). Or, nous avons voté un article pour le financement de la sécurité afin de moduler les tarifs, en fonction de la pertinence des soins. Comment accéder à la pertinence des soins pour la stratégie thérapeutique ou la prévention pour retarder la dialyse sans avoir accès à ces données établissement par établissement ?"