"Certaines victimes du 13-Novembre ne sont toujours pas retournées travailler"
Quel est l’impact des attentats de fin 2015 sur la santé des victimes directes et des témoins ? Le psychiatre Thierry Baudet répond aux questions du Magazine de la Santé.
Pour la première fois, des études ont évalué les conséquences des attentats du 13-Novembre sur les proches des victimes et sur la population exposée. Elles ont été publiées par Santé publique France trois ans jour pour jour après les événements. Le Dr Thierry Baudet, psychiatre à l’hôpital Avicennes de Bobigny, en est l’un des principaux investigateurs. Il est venu expliquer sa démarche sur le plateau du Magazine de la Santé.
- Près d’un an après les attaques, un quart des témoins présentent des syndromes de stress post-traumatique. Comment explique-t-on cela ?
Dr Thierry Baudet : "Les personnes qui étaient un peu plus à distance, qui n’ont pas été prises en charge les premiers jours, n’ont pas été considérées comme des victimes par la justice. Elles sont très affectées : on sait que pour causer un trauma, il faut avoir des perceptions de l’éminence de la mort ou être témoin d’une mort."
- Comment cela se manifeste-t-il ?
Dr Thierry Baudet : "Il y a d’abord ce que l’on appelle des reviviscences, c’est-à-dire le retour de certaines perceptions, avec la même détresse que lors de l’événement initial. Il y a aussi un état d’hyperalerte, des troubles de la mémoire, des troubles des émotions, des symptômes d’évitement… La vie quotidienne et professionnelle devient de plus en plus difficile. Certaines victimes ne sont toujours pas retournées travailler."
- Parmi les personnes touchées par le stress post-traumatique, assez peu bénéficient d’un suivi psychologique. Comment expliquez-vous cela ?
Dr Thierry Baudet : "D’abord, les personnes traumatisées ont tendance à éviter tout ce qui pourrait leur rappeler l’attentat. Il y a souvent de la honte et de la culpabilité. Souvent, elles se disent aussi qu’elles ne sont pas légitimes parce qu’elles n’ont pas été blessées physiquement ou qu’elles n’ont perdu personne."
- Les intervenants, comme les pompiers et les soignants, sont-ils également touchés par ce stress post-traumatique ?
Dr Thierry Baudet : "Les chiffres sont beaucoup moins importants : ils sont inférieurs à 10%. Cela dépend du degré d’exposition, puisque certains sont intervenus dans des zones non sécurisées. Mais on a aussi constaté que le développement de troubles dépendait du niveau de formation et d’information préalable."
- L’objectif de cette étude, c’est d’améliorer la prise en charge des victimes. Qu’est-ce qui est prévu ?
Dr Thierry Baudet : "10 centres de soins du traumatisme ont été créés, ce qui est une nouveauté. Un centre national aura pour fonction de les coordonner et de travailler au développement de la recherche, de la formation des intervenants et de l’information du grand public."