Migrants : apprendre à nager pour surmonter le traumatisme

L'association perpignanaise Welcome 66 dispense des cours de natation à des migrants. Pour ces jeunes, évoluer dans l'eau reste encore très difficile. Reportage.

Sibylle de Barthez
Rédigé le
Apprendre à nager pour surmonter le traumatisme
Apprendre à nager pour surmonter le traumatisme  —  Le Mag de la Santé - France 5

Entassés sur des embarcations de fortune, ils craignent le naufrage. Les migrants en détresse sur la Méditerranée font régulièrement la Une de l’actualité. Il y a moins d’un an, Mohammed et Sam étaient sur ces canots lancés vers l’Europe, en quête d’une vie meilleure.

Se réconcilier avec la mer

Sans eau, ni nourriture, ils ont risqué leur vie dans ce périple, craignant le naufrage à chaque instant. Aucun des deux ne sait nager. Marqués par leur traversée, ils ont décidé de se réconcilier avec l’eau.

Une fois par semaine, ils suivent les cours de natation proposés par une Welcome 66, association perpignanaise d’aide aux exilés. Delphine, ancienne compétitrice de nage synchronisée, confronte aujourd’hui ses élèves à la peur de la profondeur.

Ces apprentis nageurs sont principalement originaires d’Afrique subsaharienne. Faute d’accès à la mer ou de piscines publiques, ils n’ont jamais appris à nager. Grâce à ces cours particuliers, Mohammed a très vite surmonté sa peur de l’eau.

"J'ai vu une terreur dans leurs yeux"

C’est justement à partir de ce sentiment d’angoisse que l'association a décidé de lancer ces cours de natation il y a deux ans. "J'ai emmené une dizaine de jeunes Éthiopiens au bord de la mer et j’ai vu dans leurs yeux une terreur que je n’imaginais pas", explique Corinne Grillet, fondatrice de l'association Welcome 66, à Perpignan.

"Ils sont restés pendant de longues minutes à regarder l’horizon avec un regard hyper poignant. Là j’ai compris effectivement qu’on n'avait pas du tout le même rapport à la mer"
, poursuit-elle.

Un syndrome de stress post-traumatique

Exposés à de nombreuses violences potentiellement traumatiques pendant leur périple, un quart des exilés présenterait des troubles psychiques à leur arrivée en Europe. 

"Heureusement, ils ne sont pas tous impactés de manière extrêmement sévère avec les symptômes du stress post-traumatique, mais ça reste un terrible souvenir de toute façon", confie la Docteure Frédérique Drogoul, psychiatre à Médecins sans frontières.

"La différence avec un
 stress post-traumatiquec’est que les souvenirs en question s’imposent. Le temps s’est arrêté sur ce moment où ils ont croisé cette idée de la mort. C'est ça qui marque l’impact traumatique", conclut-elle.

En moins d’une décennie, près de 26 000 migrants ont perdu la vie en traversant la mer Méditerranée.