Que cachent vraiment les "attaques acoustiques" contre les diplomates américains ?
PARTIE 1/4 – Depuis 2016, des diplomates nord-américains basés à Cuba, puis en Chine, ont développé d’étranges troubles de santé, que l'administration Trump a imputé à des attaques cubaines utilisant des technologies avancées. Des armes "ultrasons" ou "micro-ondes" sont-elles réellement à l'origine de la grave crise diplomatique survenue entre ces pays ?
Le feuilleton réunit tous les ingrédients d’un roman d’espionnage ambiance "guerre froide" signé John le Carré ou Tom Clancy : des diplomates nord-américains à Cuba, une maladie mystérieuse, des technologies secrètes et invisibles… Et pourtant, l’affaire est tout ce qu’il y a de plus véridique, et est prise extrêmement au sérieux par les autorités des pays concernés, jusqu'à rendre caduque le rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis.
"Si vous avez manqué les épisodes précédents…"
L’affaire a émergé dans la presse en août 2017. Le ministère des Affaires étrangères canadien révélait en effet "[avoir eu] connaissance de symptômes inhabituels affectant le personnel diplomatique canadien et américain ainsi que leurs familles à La Havane". Côté étasunien, le département d’État confirmait l’information, précisant que plusieurs de ses délégués avaient été évacués pour des "pertes d’audition".
Rapidement, les Cubains sont sommés par l’administration Trump de faire la lumière sur les "attaques contre l'intégrité physique" de ses ressortissants. Il est rapidement révélé que les premiers cas ont été rapportés fin 2016, et que dès le mois de mai, des diplomates cubains avaient été exclus de Washington en rétorsion.
Bien que La Havane ait formellement démenti toute implication, les relations bilatérales s’enveniment. Au mois de septembre, la moitié du personnel de l’ambassade des États-Unis est rappelée par mesure de précaution – une décision initialement temporaire qui deviendra six mois plus tard "permanente".
Cuba, nid d’espion ?
Le détail des maux dont souffrent un total de 27 ressortissants nord-américains liés aux ambassades est peu à peu divulgué : pertes d'audition, migraines, nausées, vertiges, insomnie, problèmes de vue… Un syndicat de diplomates communique sur certains symptômes présentés par les patients "de légères lésions cérébrales d'origine traumatique" – en l’occurrence, de légères modifications dans la substance blanche du cerveau.
Les diplomates mentionnent également la perception de sons stridents ou de vrombissements, mettant sur le devant de la scène l’hypothèse "d’émissions acoustiques", par ultra-sons ou infra-sons, émis par des dispositifs indéterminés.
Le Canada explore d’autres hypothèses, liées à la qualité de l'air ou de l'eau aux domiciles des diplomates ou à l’ambassade. En janvier 2018, le ministère de la Défense admet n’avoir trouvé "aucune explication" aux symptômes rapportés, précisant pour sa part qu’aucune des personnes rapatriées ne présentent de séquelle physique. Mais, tout en louant la "relation positive et constructive avec Cuba", les autorités canadiennes décident en avril de rapatrier les familles de ses diplomates.
Des publications scientifiques publient plusieurs comptes rendus et études sur le sujet. Dans le Journal of the American Medical Association, des chercheurs estiment que les symptômes pourraient être imputables à "une source d’énergie inconnue", sans plus de précisions.
Canton ne répond plus
Fin avril 2017, nouveau rebondissement dans l’affaire : l’ambassade des États-Unis en Chine émet une "alerte sanitaire", après qu’un diplomate en poste à Canton ait fait état de troubles auditifs et d’un "traumatisme craniocérébral léger", symptômes présentés comme "très similaires et totalement compatibles" avec ceux des diplomates en poste à Cuba. De nouveaux ressortissants sont rapatriés.
Cet été, à la Havane, le gouvernement finit par accuser Washington "de fabriquer un incident basé sur la manipulation politique".
Finalement, ce 1er septembre, le New York Times ravive la controverse. Se référant à plusieurs experts, le journal affirme que les autorités explorent désormais la piste d’une arme utilisant des faisceaux de micro-ondes.
À en croire le quotidien, de nombreux pays auraient "le savoir-faire nécessaire pour développer une [telle] arme, capable d'affaiblir ou même de tuer une cible" – arme décrite comme pouvant ressembler à une antenne parabolique de taille indéterminée, capable d’émettre sur plusieurs centaines de mètres.
Armes acoustiques, armes micro-ondes… De quel type de technologie parlerait-on ? La recherche militaire est-elle aussi avancée que le laisse entendre la presse ? S'agit-il réellement d'une piste plausible aux yeux des enquêteurs ?
Suite du feuilleton dans le deuxième article de notre série : « Attaques "acoustiques" contre des diplomates : beaucoup de bruit pour rien ? »