Accès aux soins : le chemin de croix des plus précaires
A l’occasion de ses Journées nationales, la Croix-Rouge française dresse un bilan des inégalités sociales en santé en France. Et publie son premier "Pacte pour la santé globale des plus vulnérables" dans lequel des solutions sont proposées.
Voir sa santé se dégrader et basculer dans un état de vulnérabilité, ou vice-versa, est une angoisse quasi-collective. D'après un rapport de la Croix-Rouge remis aux ministres, aux parlementaires et à l'ensemble des acteurs sociaux, médicaux et médico-sociaux, la quasi-totalité des Français (93%) estime que des évènements de vie douloureux comme la perte d'un proche, un licenciement ou une rupture peuvent avoir des répercussions sur la santé. Et ils sont 76% à craindre un jour de basculer dans un état de vulnérabilité en raison d'un problème de santé.
Nous sommes tous conscients de l'importance cruciale d'une bonne santé : 93% d'entre nous considèrent que la santé est un élément décisif et essentiel pour le retour à l’autonomie des personnes fragiles et vulnérables.
Quant aux réponses apportées à ces situations, 63% des personnes interrogées jugent que les moyens développés par les acteurs de santé ne sont pas suffisamment innovants pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes les plus fragiles.
Précarité et accès aux soins, des obstacles multiples
Globalement, depuis un quart de siècle, l'état de santé de la population française ne cesse de s'améliorer. Mais tout le monde ne bénéficie pas de ces progrès de manière homogène. Les personnes les plus précaires sont aussi les plus fragiles. La précarité, quelle que soit son visage, est toujours synonyme de difficultés d'accès aux soins, voire d'un renoncement pur et simple. Pour les plus fragiles, le chemin de l'accès au soins est semé d'embûches.
Pour des raisons économiques d'abord : la nécessité d’avancer les frais et le coût des soins génère des situations de renoncement chez les plus démunis. A titre d'exemple, parmi les bénéficiaires du RSA, 18% disent avoir renoncé à une consultation médicale pour des raisons financières au cours de l’année écoulée et 27% à des soins dentaires, contre respectivement 4% et 11% parmi l’ensemble des 18-59 ans.
Mais d'autres facteurs auxquels on pense moins viennent se greffer aux problèmes d'argent. Le sentiment de dévalorisation ou encore des expériences mal vécues avec le système de santé peuvent générer une absence de recours aux soins. Les problèmes de compréhension liés à la complexité des démarches à effectuer, à des difficultés de lecture ou d’écriture, rendent plus difficiles l'entrée et le maintien dans des démarches d'accès aux aides et aux soins.
Le traitement de ces personnes fragiles par les professionnels de santé aggrave encore les inégalités. Le rapport de la Croix-Rouge évoque certaines de leurs pratiques décourageantes, qui n'ont malheureusement rien d'exceptionnel : refus de soins, délais de rendez-vous volontairement longs, remarques sur le suivi du traitement lors des consultations... Pour courroner le tout, les personnes précaires sont aussi plus affectées par les inégalités territoriales de santé observées sur leur lieu de résidence. Les territoires concentrant les populations les plus précaires sont souvent ceux qui regroupent le moins de structures et de personnels de santé. Il persiste des disparités entre centre-ville et périphérie, entre zones urbaines et zones rurales, entre quartiers favorisés et défavorisés.
Entretien avec le Pr Jean-Jacques Eledjam, président de la Croix-Rouge française, invité du Magazine de la santé le 26 mai 2016
Réaffirmation des principes de la Croix-Rouge
La Croix-Rouge française est le témoin direct de toutes ces formes de vulnérabilités auxquelles sont confrontés les plus fragiles. Pour atténuer ces inégalités sociales de santé, elle réaffirme dans son rapport sa volonté de suivre une politique avec un fil rouge de l'"aller vers". Pour l'association, il est essentiel de rompre l'isolement, recréer du lien social, notamment à travers des dispositifs mobiles tels que "Croix-Rouge sur roues". Elle propose aussi des pistes d’évolutions et d’innovations nécessaires - qui notamment reconnaissent mieux le tissu associatif -, en partenariat avec l’ensemble des pouvoirs publics et des structures de santé.