Des médecins affichent sur Internet leur refus de soigner les plus démunis
Le Défenseur des droits a été saisi par trois associations de patients concernant une dizaine de médecins signalant sur Internet leur refus de soigner des patients CMU ou AME. Plusieurs enquêtes sont ouvertes.
« Pas de CMU » (Couverture maladie universelle), « pas d’AME » (Aide médicale d’état), depuis quelques mois, ces mentions apparaissent sur doctolib.fr et monrdv.com, des sites internet de prise de rendez-vous médical. Des mentions surprenantes pour des médecins qui ont fait le serment de donner leurs "soins à l'indigent et à quiconque (me) les demandera. (Je ne me laisserai) pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire », comme le stipule le serment d'Hippocrate.
Face à ces comportements discriminants envers les personnes pauvres, trois associations, Médecins du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité (Fnars) et le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) ont saisi le Défenseur des droits, l’autorité indépendante chargée de défendre les droits des citoyens face à l’administration, et d’apporter une aide dans la lutte contre les discriminations.
- Des refus interdits par la loi
Le Défenseur des droits, Jacques Toubon a ouvert plusieurs enquêtes sur le sujet. Dans un communiqué publié ce vendredi, le Défenseur des droits rappelle le caractère illégal d’un refus de soins : « Selon l'article L. 1110-3 du code de la santé publique aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins. Le fait d'annoncer publiquement le refus de ces patients, même en les réorientant vers les hôpitaux publics, est contraire aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal interdisant les discriminations. Cette pratique est ainsi susceptible de caractériser une discrimination en raison du statut, de l'état de santé ou éventuellement de la vulnérabilité économique des patients concernés. »
La CMU et l'AME sont destinés aux patients les plus précaires, et concernent respectivement 1,3 million et 63 000 personnes. À ceux-ci s’ajoutent les bénéficiaires de la CMU complémentaire, dont le nombre s’élève à 5,5 millions de patients.
- "des pratiques illégales qui perdurent"
Le Défenseur des droits rappelle également que, si ces pratiques sont rarement relevées, elles semblent récurrentes. L’autorité a donc ouvert une enquête, demandant aux médecins de s’en expliquer. Le Conseil national de l'Ordre des médecins s’est aussi invité à la discussion. André Deseur, le vice-président, rappelle dans les colonnes du Monde que « ces pratiques ne sont pas tolérables. Si elles sont avérées, des poursuites disciplinaires seront engagées ».
« Ces refus de soins envers les précaires sont massifs et répétitifs. Mais avec cet affichage sur les sites, un pas de plus est franchi, la démarche de rejet est décomplexée », s’est indigné dans le quotidien Florent Gueguen, délégué général de la Fnars.
Les refus de soins illégaux auxquels sont exposés les bénéficiaires de la CMU-C, de l'ACS et de l'AME ont fait l'objet de dénonciations multiples. Pourtant, les pratiques illégales perdurent toujours, rappelle le Défenseur des droits.