Prix et remboursement des médicaments : un rapport préconise des changements radicaux
Taux unique de remboursement, priorité donnée à l'efficacité thérapeutique pour fixer le taux de remboursement et le prix des médicaments… Un rapport commandé par le ministère de la Santé, officiellement remis à Marisol Touraine ce 11 décembre 2015, formule plusieurs "pistes de réflexion et scénarios d'évolution possibles" pour faire évoluer les modalités d'évaluation des médicaments et tenter de résoudre quelques paradoxes…
Les procédures actuellement employées pour fixer le taux de remboursement et le prix doivent-elles être révisées ? C'est l'avis de Dominique Polton, conseillère spéciale du directeur de l'Assurance-maladie, à qui Marisol Touraine a commandé plus tôt dans l'année un rapport sur les modalités d'évaluation des médicaments [pdf].
Aujourd'hui, le taux de remboursement des médicaments est lié à l'évaluation du service médical rendu (SMR). Celui-ci prend en compte la gravité de la pathologie traitée par le médicament, l'efficacité de celui-ci, la nature de ses effets indésirables, ses mérites comparés avec d'autres thérapies disponibles et, enfin, son importance au regard des priorités de santé publique. Pour fixer le prix du médicament, un autre indicateur est employé, sans lien avec le SMR : c'est l'ASMR (amélioration du service médical rendu), qui rend compte du progrès thérapeutique apporté par un médicament.
Le critère d'efficacité
Selon le rapport Polton, les critères de l'ASMR sont moins précis que ceux du SMR, alors même que la question des mérites comparés est commune aux deux outils. Par ailleurs, le critère du progrès thérapeutique peut poser problème lorsque les médicaments les plus récents sont moins bien tolérés par les patients ; le taux de remboursement des anciens médicaments est révisé à la baisse en dépit de leur efficacité et du service médical qu'ils apportent aux patients… Dans le même ordre d'idée, l'introduction d'un traitement efficace sur le long terme pourra nuire au remboursement de médicaments efficaces sur le court terme, et utiles pour des prises en charge d'urgence…
Le rapport Polton s'interroge aussi sur certaines modalités de remboursement dérogatoires, telles que le statut d'affection de longue durée (ALD), par lequel "des médicaments peu efficaces dans des pathologies graves seront pris en charge à 100%, et ce quel que soit le prix"…
Plusieurs "scénarios d'évolution"
Les auteurs du rapport évoquent plusieurs stratégies pour rénover le système actuel. La première consisterait à "simplifier et clarifier" les critères utilisés dans le SMR et l'ASMR. Pour le premier indicateur, les critères d'efficacité et de tolérance du médicament acquerraient une place prépondérante, les questions de la couverture du besoin et de la gravité de la maladie servant à affiner l’évaluation. Le critère de l'impact, en terme de santé publique, pourrait être introduit au cas par cas, lorsque les précédents paramètres ne conduisent pas à une conclusion claire.
De son côté, l'ASMR serait renommé "valeur thérapeutique relative" (VTR), et intégrerait des critères d’efficacité et de tolérance, mais aussi de "pertinence clinique des effets", de "praticabilité", de "couverture du besoin", ainsi que la qualité des essais cliniques - ceux-ci devant permettre de statuer sur les bénéfices relatifs entre plusieurs thérapies. Ce dernier point serait notamment utile pour la réévaluation du prix du médicament au fil des mois et des années.
Une autre possibilité avancée par les signataires du rapport consisterait à fusionner SMR et ASMR. Les auteurs rappellent que la Haute Autorité de santé (HAS) a déjà fait des propositions en ce sens, avec l'élaboration d'un "index thérapeutique relatif" (ITR). Le critère principal de cet outil d'évaluation du taux de remboursement et du prix du médicament est, là encore, son efficacité. Sa bonne tolérance et son mode d'administration sont destinés à affiner la catégorisation.
Un taux de remboursement unique ?
Dernier scénario, considéré comme "le plus rationnel" par les auteurs du rapport : recourir à un indicateur unique… et instaurer un taux de remboursement unique pour les médicaments. "S'il n'y a plus qu’un seul taux, la nécessité du SMR disparaît, la Commission de la Transparence n’ayant plus qu’à répondre aux deux questions : faut-il rembourser ce médicament, et quelle est sa valeur ajoutée par rapport à ce qui existe ?" Cette évolution ne remettrait pas en question "les règles de prises en charge qui dépendent de la situation du patient ou de sa pathologie (ALD,...) [qui] conduisent à effacer sa participation financière pour un ensemble de médicaments".
La mise en œuvre d’une telle stratégie serait réalisée "en deux temps". Il s’agirait tout d’abord de "réévaluer les médicaments à SMR faible, qui deviendraient soit remboursés à 30%, soit non remboursés". A l’issue de cette première étape "il n’y aurait plus que deux taux, 65% et 30%". Dans un second temps, ces deux taux seraient fusionnés à une valeur intermédiaire.
En septembre dernier, la presse s'était fait écho de ce point du rapport. La proposition avait déclenché de nombreuses critiques tant de la part des associations que des pharmaciens. Marisol Touraine avait rapidement répondu aux critiques en précisant que le principal sujet du rapport restait la simplification de l'évaluation, pour leur meilleure efficience et leur meilleure compréhension par le public.
Accompagner le remboursement des traitements ciblés
Parmi les évolutions possibles, le rapport suggère la création d’un "mécanisme de remboursement temporaire" utilisé lorsque arrivent sur le marché "[des] produits dont l’effet est modeste, ou mal démontré, ou pour lesquels des doutes existent sur la pertinence clinique" (typiquement, des thérapies ciblées, qui n’ont été expérimentées que sur un faible nombre de patients).
Or, dans le cas de pathologies graves, "pour lesquelles il n’y a pas d’alternative disponible", il apparaît "difficile de priver les patients d’une perspective, même incertaine, d’une amélioration possible". Un taux de remboursement provisoire serait alors décidé, le temps que les données disponibles soit suffisantes pour mieux évaluer le traitement.